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L’ETAT ORIGINEL DE L’HOMME ou CE QUI EST ESSENTIEL A L’HOMME. (expérimenté au travers du désastre)

-Pasteur Akira Sato de l’église baptiste Fukushima Dai Ichi -

 

« L’Eternel Dieu prit l’homme et le plaça dans le jardin d’Eden pour le cultiver et le garder. L’Eternel Dieu donna cet ordre à l’homme : tu pourras manger de tous les arbres du jardin ; mais tu ne mangeras pas de l’arbre de la connaissance du bien et du mal, car le jour où tu en mangeras, tu mourras certainement. L’Eternel Dieu dit : Il n’est pas bon que l’homme soit seul ; je lui ferai une aide semblable à lui … » (Genèse 2 : 15- 18)

Tout ce que nous avons vécu depuis le triple désastre nous a, d’une certaine façon, ramené à l’état originel et nous a rappelé ce qui était essentiel à l’homme. C’est ce dont je vais vous parler aujourd’hui en m’appuyant sur ce passage de Genèse. Mais auparavant, laissez-moi vous dire comment tout a commencé. Permettez-moi de vous parler de notre étrange expérience.

              Une étrange expérience :

Il y 2 ans et demi maintenant, toute notre région s’est vidée de ses 70 000 habitants. Depuis, il n’y a plus âme qui vive. Les chiens, la laisse autour du cou et les chats enfermés dans les maisons sont devenus des squelettes.

 La terre avait tremblé très très fort puis les sirènes avaient retenti et l’ordre  avait été donné aux habitants de partir immédiatement vers les montagnes et ce, sans rien prendre.  Ils se sont  retrouvés dans des lieux de refuge ne sachant ni ce qui se passait ni où se trouvaient les autres membres de leurs familles.

 Chacun pensait pouvoir retourner chez lui le lendemain mais les jours, les  mois, les années ont passé et le retour n’a toujours pas eu lieu. Maintenant, beaucoup, désespérés, se donnent la mort.

Un mois après la catastrophe nucléaire j’ai pu rentrer dans la zone interdite, revêtu d’une combinaison blanche de haute protection. Ma ville était devenue ville-fantôme. Aucune voiture, aucun bruit si ce n’était celui des vagues.

Fukushima est célèbre pour ces cerisiers, ils étaient justement en pleine floraison, magnifiques. Il m’a semblé que les cerisiers disaient dans leur langage :   « Il n‘y a personne pour nous admirer mais c’est mieux comme ça ! Sous prétexte de venir voir nos fleurs, les hommes gravaient nos troncs, cassaient nos branches, se cherchaient querelle à nos pieds. On n’a pas besoin de la présence de tels hommes pour être beaux ! On est même encore bien plus beaux sans eux. »

Sur la route nationale, des chiens faisaient la sieste et ne se déplaçaient même pas pour laisser passer notre voiture. Eux aussi semblaient dire quelque chose comme : «  Jusqu’à  quand vous, les hommes, allez-vous vous prendre pour les rois de la création ? Vous ne l’êtes plus depuis longtemps alors à vous de vous déplacer, pas à nous ! »

Sur le terrain de notre église il y avait des vaches qui broutaient, elles nous regardaient, le regard vague et semblaient dire : «Eh, cela faisait longtemps qu’on ne les avait pas vus ces animaux à 2 pattes. Ils s’appellent comment déjà ? Ah oui des hommes ! Qu’est-ce qu’ils sont revenus faire, ici tout habillés en blanc ? Ah, ceux-là, pour satisfaire leurs ambitions, ils n’hésitent pas à détruire la planète. »

Voilà les messages, que notre région rendue à elle-même,  semblait émettre.

Aujourd’hui, pour beaucoup, le nom de Fukushima est associé à celui de  Tchernobyl. Je me demande  jusqu’à quand, les hommes, faisant fi de Dieu, vont continuer à bâtir leurs tours de Babel ? Ils ne sont jamais satisfaits, ils en veulent toujours plus. Il en a été toujours ainsi de l’homme, dès la Genèse. Parce qu’Adam et Eve ont péché et ont cessé de mettre Dieu  au  cœur de leur  vie, la discorde s’est installée dans leur couple et leur fils ainé Caïn a tué son frère Abel. De tels hommes n’avaient plus leur place dans le magnifique jardin d’Eden et Dieu les a chassés comme il nous a chassés nous aussi.

1ere caractéristique de l’état originel : L’homme vit dans la main de Dieu.

« L’Eternel Dieu prit l’homme et le plaça dans le jardin d’Eden pour le cultiver et le garder… » (verset 15)

Comme la nature, dans le jardin d’Eden devait être magnifique ! 

A travers le désastre Dieu nous a mis face à la puissance de la nature qu’Il a créée et cela a interpellé chacun de nous. Cela nous a fait comprendre que le but que l’homme poursuivait  n’était pas le bon but. Nous avons compris aussi que l’homme vivait dans la main de Dieu.

C’est ce qu’a expérimenté cette femme de mon église, poursuivie par le tsunami alors qu’elle allait chercher son fils à l’école en voiture. Face à la mort elle a crié : « je ne veux pas mourir maintenant, mon fils m’attend à l’école » Elle a alors redoublé de vitesse et a pu échapper au raz de marée. « Dieu m’a gardée dans Sa main ! » a-t-elle dit par la suite.   

De même pour cet homme de 60 ans à qui on a dit, juste après son opération du cœur, qu’il devait partir tout de suite de l’hôpital à cause de la radioactivité qui était en train de se  répandre. [Une vraie scène de science-fiction.] Lui aussi, comme beaucoup d’autres au beau milieu de cette triple catastrophe,  a dit qu’il avait senti que la main de Dieu était sur Lui.  

Quoiqu’il nous arrive de joyeux ou de triste, notre vie est  dans la toute puissante main de Dieu qui ne change jamais.

C’est, je crois ce que  Dieu a voulu nous faire comprendre au travers du désastre.

 

 

 

 

Dieu m’a fait comprendre aussi que je suis né pour un temps comme celui-ci. Et c’est là, la 2ème caractéristique de l’état originel : Dieu a ordonné à Adam de cultiver et de garder le jardin d’Eden. L’homme est né avec une mission.

Dieu nous a ordonné à tous, de travailler à la sueur de notre front, de servir  les autres dans nos églises, dans nos lieux de vie et de vivre une vie abondante. Mais nous avons chacun une mission particulière et c’est ce que j’ai compris à travers ce que m’a dit un pasteur Coréen qui m’a appelé de Pusan après le désastre. Il m’a dit : « On pleure en regardant les nouvelles à la télévision. Nous les Coréens, nous nous demandons comment vous les Japonais vous arrivez à faire 3 heures de queue pour une simple boulette de riz. Nous nous demandons aussi pourquoi malgré l’absence de policiers,
il n‘y a pas de resquilleurs, pas de cambrioleurs, pas de violence. C’est incroyable ! Il n’y a que les Japonais pour traverser ainsi  cette triple catastrophe, c’est pour cela que Dieu vous a choisis. » 

Tout n’était pas aussi parfait que ce pasteur le dit, nous avons par exemple souffert de discrimination parce qu’on nous croyait irradiés. Mais c’est vrai que les Japonais sont patients et que ceux de la côte nord Pacifique sont particulièrement endurants. Voilà une des raisons pour lesquelles nous avons été choisis et ce, dès le début. Dieu savait que ne baisserions jamais les bras même si on nous maltraitait, nous dispersait et nous dépossédait de tout. C’est pour cela que Dieu a donné une mission particulière à mon église et qu’il  en a fait, pour la gloire de Son Nom, une église qui renait de ses cendres. En tous cas, c’est ainsi que j’ai commencé de considérer le désastre.

Mais il n’en était pas de même tout au début. Je me suis tout d’abord senti complètement impuissant devant la force de ce tremblement de terre qui n’a lieu qu’une fois tous les milles ans. J’ai tout de suite pensé que c’était la fin de mon église. Nous venions nous  juste de faire construire de nouveaux bâtiments, j’étais dépité ! Je pensais que jamais je ne comprendrais la raison de tout cela.

Le jour du tremblement de terre, ma femme et moi assistions à un  séminaire près de Tokyo. A minuit, nous sommes partis pour Fukushima, pensant n’en revenir peut-être jamais, bien que  c’était avant que la Centrale nucléaire n’explose. Nous avons roulé toute la nuit et à l’aube alors que nous venions d’arriver dans la région sinistrée, j’ai reçu un texto de ma fille m’annonçant l’explosion à la centrale. Elle a ensuite ajouté qu’elle était persuadée que j’étais devenu pasteur de l’église de Fukushima pour un temps comme celui-ci.  Cela m’a fait pleurer. « Elle a raison, ai-je pensé alors, je ne dois plus me plaindre qu’une telle chose me soit arrivée. » C’est là que Dieu m’a placé. Maintenant je comprends pourquoi je suis  né un 11 mars et que le tremblement de terre a eu aussi lieu un 11 mars. Je suis né pour cela. Je vais faire tout ce qui me  sera  possible de faire désormais. C’est là, la  mission que Dieu m’a donnée.

 Chacun de vous  aussi a reçu une mission à accomplir sur cette terre, la connaissez-vous ?         

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 « Tu pourras manger de tous les arbres du jardin »

La 3ème caractéristique de l’état originel c’est l’appréciation quotidienne, de ce que Dieu nous donne, c’est jouir de tous les instants de la vie.

Au verset 16, Dieu nous dit que l’on peut manger de tous les arbres. C’est à nous de décider ensuite la façon dont on va en manger. Prendra-t-on de tout ? En mangera-t-on 4 fois par jour ou une seule fois ? Va-t-on se retenir d’en manger ? Les japonais auraient tendance à s’en priver, on dit qu’ils ne savent pas jouir de la vie, qu’ils se sentent coupables de le faire. C’est pourtant le désir de Dieu que l’homme vive pleinement chaque jour qu’il lui donne de vivre, comme si c’était le dernier. C’est ce que nous avons appris à faire au travers du désastre. Du jour au lendemain, nous avons perdu absolument tout ce nous possédions mais grâce à cela, nous avons  appris à être heureux avec peu. Nous avons compris  que pour vivre, on n’a, en fait, pas besoin  de grand-chose.         

Cinq jours après le désastre, j’ai vu des gens pleurer de joie en mangeant la soupe chaude qu’on nous avait servie. Peu importait le goût, c’était chaud et cela nous suffisait. Certains ont même dit n’avoir jamais été aussi heureux de leur vie ! Quel bonheur et quelle reconnaissance que de pouvoir manger chaque jour et d’avoir un matelas pour dormir.

 A travers le désastre, Dieu nous a appris à nous réjouir et à remercier pour chaque instant de la vie.

 

 

 

 

 

 

 « Il n’est pas bon que l’homme soit seul. Je lui ferai une aide » verset 18.

La 4e caractéristique de l’état originel  c’est que l’homme a besoin des autres et c’est pour cela que Dieu a donné une famille à l’homme.

L’idéogramme que nous utilisons pour écrire le mot souffrance en japonais, comprend 3 croix. Jésus a été crucifié avec 2 autres personnes et au pied de la croix il y avait ceux qui l’aimaient. Au beau milieu de sa souffrance, Jésus était entouré. Parmi les hommes Jésus s’est réjoui mais a aussi souffert et pleuré. Il est vraiment venu partager notre sort. L’idéogramme que nous utilisons pour écrire le mot humanité, veut dire : « Parmi les hommes. »

Les hommes sont faits pour se soutenir mutuellement et partager joies et peines. C’est pour cela que Dieu nous a donné une famille, qu’il nous a donné aussi l’église avec  des frères et sœurs. Avez-vous déjà dit à vos parents : « Quel bonheur d’être votre enfant ! » ou bien à vos enfants : «Vous avez embelli notre vie ! »

La solidarité, les liens sont des mots que nous avons beaucoup entendus dans l’après-désastre. Nous avons tous compris combien les liens avec les autres étaient importants.

Si on nous demande quelle la personne qui compte le plus pour nous, bien sûr nous allons  répondre c’est Jésus-Christ et c’est bien qu’il en soit ainsi.  Mais, il y a aussi d’autres personnes qui nous sont  chères  et Dieu nous a demandé si nous avions pensé jusqu’à maintenant à les remercier au quotidien d’être là, à nos côtés.        

 

 

 

 

«  mais tu ne mangeras pas de l’arbre de la connaissance du bien et du mal, car le jour où tu en mangeras, tu-mourras certainement »  (verset 17)

 La 5e caractéristique de l’homme originel : A cause du péché, l’homme a besoin d’un sauveur. 

 Les gens, les médias, tout le monde fuyait Fukushima. De voir ainsi Fukushima abandonné j’ai ressenti comme un sentiment d’injustice. Mais en même temps, il m’a semblé que plus les gens s’éloignaient, plus Jésus se rapprochait de nous.

L’homme n’est pas Dieu et l’homme a besoin de Dieu. C’est pourquoi Dieu nous demande de le recevoir dans notre cœur comme Seigneur de notre vie, lui le Seigneur du monde. L’homme à cause de son péché a besoin du pardon de Dieu, il a besoin d’un sauveur. Grâce au désastre j’ai  pu sentir que Jésus-Christ était vraiment à nos côtés.

Dieu le Père a envoyé sur cette terre son fils Jésus-Christ fait homme. Un homme pécheur peut-il en sauver  un autre ? Non, c’est pourquoi les hommes ont  besoin d’un sauveur sans péché, c’est pourquoi ils ont besoin de Jésus-Christ.  L’homme porte en lui une force qu’il ne peut contrôler et qui s’appelle le péché. Notre sauveur est venu enlever le péché du monde. Les évènements dramatiques que nous avons vécus, ne nous  semblent pas grand-chose finalement, comparés au bonheur d’avoir Jésus-Christ avec nous. Y- t-il un  plus grand bonheur que celui-là ?






Ce que j’ai observé au travers du désastre

-Pasteur Akira Sato-

 

 Je suis le pasteur  Akira Sato de l’église Baptiste Dai ichi de Fukushima. Notre église, ainsi que 3 de ses chapelles, se trouvaient dans un rayon de 5 km de la centrale nucléaire de Fukushima. Nous avions aussi une  4ème  chapelle à 20 km, celle-ci a été submergée par le tsunami. La voie ferrée de notre ville a été emportée par le raz de marée et à cause du tremblement de terre, les routes ont été littéralement soulevées, les bouches d’égout déterrées et les vieilles maisons se sont écroulées.

C’était un tremblement de terre qui ne se produit qu’une fois tous les milles ans et qui a été suivi d’un raz de marée de 15m de hauteur.

Notre église a plus de 60 ans d’histoire. Juste après la fin de la seconde guerre mondiale, un missionnaire est venu des USA pour  évangéliser cette campagne japonaise qui n’avait encore jamais entendu parler du Christ. La femme de ce missionnaire est décédée au Japon.  Ensuite, c’est un pasteur japonais qui pendant environ 30 ans, dans des conditions de vie précaires, a dirigé l’église fondée par ce missionnaire.

Il n’y avait quelquefois que 3 personnes qui assistaient au culte.

Malgré cela, avec beaucoup de larmes et de patience, l’église a été maintenue et l’évangélisation n’a pas cessé.

Il y a environ 30 ans, à l’âge de 25 ans, j’ai été nommé pasteur de cette église.  Voilà pour nous situer.

 Avant de continuer, je tiens à vous remercier pour tout le  soutien que vous avez apporté à la région sinistrée et pour vos prières.

Dans cette partie nord de la côte Pacifique du Japon qui a subi le désastre, il y avait très peu d’églises et c’était de petites églises de 15 membres environ pour la plupart.

Toutes s’étaient  maintenu avec grand’ peine jusqu’alors mais ce tremblement de terre suivi du tsunami  leur a  porté un coup fatal. Dans certains endroits, des pasteurs ont démissionné et des églises ont fermé leur porte.

Il y a même un pasteur qui a crié à Dieu : « Tu veux donc écraser ces églises du nord du Japon qui, tant bien que mal, ont  survécu jusqu’à aujourd’hui ? »           

Personnellement je vois les choses autrement : c’est la première fois que cette partie du Japon a été le centre d’attention du monde entier et a été l’objet de tant de soutien et de prières. Je pense donc qu’au contraire Dieu a les yeux fixés sur cette région et s’apprête à y faire de grandes choses.

 

Dans sa 1ère épitre au chapitre 4, versets 12 &13, Pierre écrit :

« Mes bien-aimés, ne trouvez pas étrange d’être dans la fournaise de l’épreuve, comme s’il vous arrivait quelque chose d’extraordinaire. Réjouissez-vous  au contraire de la part que vous avez aux souffrances de Christ afin que vous soyez aussi dans l’allégresse lorsque sa gloire apparaitra.»                                                                       

    L’apôtre Pierre a écrit et adresse cette lettre aux chrétiens dispersés en Galatie et en Cappadoce (l’actuelle Turquie). Ils étaient dispersés  à cause de la persécution  qui avait lieu à cette époque contre les chrétiens. Pierre s’adresse à eux en leur disant mes bien-aimés.

Il y a une certaine ressemblance avec ce que nous avons vécu, même si nous, nous avons été tous dispersés à cause d’une catastrophe nucléaire et non à cause de la persécution.

Le jour même de  ce puissant tremblement de terre, le 11 mars 2011, à maintes reprises et en pleurant, j’ai essayé de joindre en vain par téléphone chacun des membres de mon église. Finalement, j’ai fini par apprendre que 10 puis 30, puis 70, puis 150 étaient en vie et j’ai pu les localiser.

 Apres avoir parlé avec beaucoup d’entre eux par téléphone, ma femme et moi avons réalisé quelque chose de surprenant : aucun d’eux ne se plaignait. On pensait qu’ils allaient dire par exemple : « Mais qu’est-ce qu’on a bien pu faire  de mal pour que cela nous arrive? » ou bien « Pourquoi devons-nous affronter une telle épreuve ? Dieu c’est injuste ! » Non, aucun d’entre eux n’a dit cela.

Et pourtant l’épreuve  a été très rude pour tous. Si notre région n’avait pas été touchée autant par la radioactivité, nous aurions pu réparer nos maisons, reconstruire nos villes. Nous aurions pu aussi dégager  tous les corps prisonniers des décombres, mais hélas,  le lendemain du tremblement  de terre nous avons reçu, du gouvernement, un ordre d’évacuation.

Toutes les sirènes de la ville ont retenti, c’était comme  une alerte aux bombardements.

En une seule journée, 70 000 personnes ont dû quitter leur région pour aller soit vers les montagnes au nord, soit vers le sud. 20 000 maisons se sont vidées d’un seul coup de leurs habitants. Actuellement  il y a un total de 150 000 réfugiés repartis dans plusieurs régions. C’est une histoire  incroyable.

Au milieu de la tourmente, beaucoup de membres de mon église ont été en plus dans des situations périlleuses.

L’un par exemple, a dû nager pour ne pas être happé par le tsunami. Un autre a été poursuivi par le tsunami alors qu’il était en train de conduire. Un autre qui venait de subir en urgence, une opération du cœur, a dû, juste aussitôt après l’opération, être évacué de l’hôpital à cause de l’explosion de la centrale nucléaire. etc etc .Mais tous ont rajouté à la fin de leur récit incroyable : « Dieu m’a protégé, Dieu m’a secouru ! »

 

Je suis pasteur et j’aime mes brebis alors tout comme Pierre j’avais envie de crier aux membres dispersés de mon église : « Mes bien-aimés » Mais j’ai réalisé à travers leurs récits qu’ils n’étaient pas seulement «  mes » bien-aimés mais qu’ils étaient aussi, depuis bien avant le désastre, les bien-aimés de Dieu.

Et  j’ai compris que c’était aussi ce que  Pierre voulait dire quand ils disaient « Mes bien-aimés », il voulait dire : les bien-aimés de Dieu.                                                

  Grâce au désastre nous avons compris que nous étions les bien-aimés de Dieu et ceci est resté gravé dans nos cœurs depuis.

 

  Esaïe 43 : versets 1, 2 et 4 a pris aussi toute sa signification pour nous.

« Ainsi parle maintenant l’Eternel, qui t’a créé o Jacob ! Celui qui t’a formé o Israël ! Ne crains rien car je te rachète, je t’appelle par ton nom, tu es à moi !

Si tu traverses les eaux, je serai avec toi, et les fleuves, ils ne te submergeront pas ;

Si tu marches dans le feu, tu ne brûleras pas, et la flamme ne t’embrasera pas….

Parce que tu as du prix à mes yeux, parce que tu es honoré et que je t’aime … »

 

     De quelle façon devrions-nous voir ce désastre ?

 Pierre nous dit : « ne trouvez pas étrange d’être dans la fournaise de l’épreuve comme s’il vous arrivait quelque chose d’extraordinaire ». Cela veut dire qu’il faut toujours s’attendre  à ce que des évènements dramatiques  comme ce désastre se produisent. Nous, nous n’avions jamais pensé qu’un jour un tel raz de marée  se produirait dans notre région et détruirait tout sur son passage.

Quelle scène étrange aussi, le jour du désastre, que de voir pleurer toutes ces mères qui, au volant de leur voiture, en allant chercher leurs enfants, se demandaient si elles allaient les retrouver vivants. Nous n’avions jamais imaginé une telle scène.

Cependant  au beau milieu de tout cela nous avons reçu beaucoup de bénédictions et nous avons appris beaucoup.

 

Nous avons appris notamment, comme Paul le dit dans Romains 8 au verset 22 : que «  jusqu’à ce jour, la création toute entière soupire et souffre les douleurs de l’enfantement. Et ce n’est pas elle seulement, mais nous aussi…Toute la terre attend »  

Oui, nous aussi nous attendons le retour du sauveur  Jésus, qui, sur le lac de Galilée, avait  ordonné aux éléments  déchainés de se calmer et avait rassuré ses disciples, en leur disant : « De quoi avez-vous peur, je suis avec vous ! »

Nous avons vraiment compris,  que la terre entière, la nature incluse, attend le retour du Créateur,  Seigneur de la terre et  Sauveur du monde. C’est ce dont parle Paul dans Romains 8, aux versets 18 et 19.

 

« J’estime que les souffrances du temps présent ne sauraient être comparées à la gloire à venir qui sera révélée pour nous. Aussi la création attend-elle avec un ardent désir la révélation des fils de Dieu. » 

     

Je vais vous parler maintenant des bénédictions que nous avons reçues au travers des épreuves que nous avons traversées.

 

 1ere bénédiction : Nous avons reçu un cœur reconnaissant.

Nous avons perdu tous nos biens : notre maison, notre argent, notre église, notre région natale.  En un rien de temps tout nous a été enlevé,  c’est pour cela qu’ensuite  nous sommes devenus très reconnaissants même pour la moindre chose que l’on nous donnait.

Dans le gymnase où nous étions refugiés, nous dormions au début sur des cartons alors quelle reconnaissance nous avons eu quand nous avons  pu dormir sur des matelas. Chaque jour on nous distribuait  juste une tranche de pain froid, alors quel bonheur nous avons ressenti quand nous avons pu manger une soupe bien chaude.   

Quelle joie de pouvoir enfin prendre une douche après 5 jours sans avoir pu se laver. Ce sont des choses inoubliables. Certains membres de l’église sont même restés 3 jours sans aucune nourriture. 

Autrefois Jésus avait dit à ses disciples : «  Ne prenez rien pour le voyage, ni bâton, ni sac, ni pain, ni argent et n’ayez pas deux tuniques »!  C’est exactement ce que nous avons fait, nous avons dû quitter subitement nos maisons sans avoir le temps de prendre quoique ce soit!

Quand je considère ces 2 années et demie qui se sont écoulées depuis, je réalise que tous nos besoins ont été pourvus pendant tout ce temps et c’est pour cela que nous sommes encore vivants aujourd’hui !

 

 

Environ 60 membres de mon église et moi-même, nous nous sommes déplacés en groupe, hébergés par des églises ici et là pour quelques jours. Nous avons finalement été hébergés  pendant une année entière dans un Centre Chrétien appartenant à des missionnaires allemands, pas loin de Tokyo. A travers tout cela, nous avons appris que pour vivre nous n’avons, en fait, pas besoin de grand-chose. Comme Dieu nourrit les oiseaux du ciel et habille les lys des champs, il nous a vraiment nourris et vêtus nous aussi.

Nous avions cessé de dire : « On a besoin de ceci, on a besoin de cela ! »  Nous avions réduit nos exigences en matière de bonheur  et nous nous contentions de peu, reconnaissants chaque jour pour les bénédictions  reçues. Nous étions revenus en quelque sorte, là où l’homme aurait dû rester : à son état d’origine !

Dans Mathieu chapitre 6 versets 25 et 26, il est écrit :

«  C’est pourquoi je vous dis : Ne vous inquiétez pas pour votre vie de ce que vous mangerez, ni pour votre corps, de quoi serez-vous vêtus. La vie n’est-elle pas plus que la nourriture et le corps plus que le vêtement ? Regardez les oiseaux du ciel : ils ne sèment ni ne moissonnent, et ils n’amassent rien dans les greniers et votre Père céleste les nourrit. Ne valez-vous pas beaucoup plus qu’eux ? »

 

2ème bénédiction : Retour aux origines de l’homme

      Notre région natale est toujours zone interdite à cause de la très forte radioactivité, les villes sont comme des villes-fantômes. Un mois après l’évacuation, nous avons obtenu la permission d’entrer dans cette zone interdite.   Revêtus  de nos combinaisons  antiradiations de haute protection, nous avons pu retourner chez nous pour  environ deux heures.

Nous y avons vu de drôles de scènes : les chiens redevenus sauvages étaient couchés sur la route et ne se déplaçaient même pas pour laisser le passage aux voitures. Les vaches en liberté, qui n’avaient pas vu d’êtres humains depuis longtemps nous regardaient fixement avec l’air de penser : » Ah les voilà de retour, ces hommes qui ne nous causent que des ennuis ! »

Cette scène m’a fait penser  à Esaïe  chapitre 11   où il est dit entre autres que  le veau, le lionceau, le loup et l’agneau,  seront ensemble et auront le même pâturage  quand  Jésus notre sauveur, le descendant du roi David, établira son règne et ramènera la paix sur la terre.

 

De voir que les êtres humains avaient été chassés de cette région, j’ai pensé également  à l’histoire d’Adam et Eve relatée dans Genèse.  Apres la chute, ils ont été chassés du jardin d’Eden  puis leur fils ainé Caïn a tué Abel son frère et Dieu l’a chassé à son tour et il est parti habiter à l’est d’Eden dans la terre de Nod.

 

Je me suis demandé alors mais jusqu’où ira donc l’arrogance des hommes ? Jusqu’à quelle hauteur encore  devront-ils construire leurs tours de Babel  pour être  satisfaits ?

J’ai pensé aussi que peut-être cette région de Fukushima envoyait comme un message muet au monde entier qui avait les yeux rivés sur elle.

 Tout comme il avait chassé les hommes d’Eden, Dieu avait chassé les hommes de Fukushima, il leur avait ordonné de quitter la scène pour un temps et de prendre le temps de réfléchir à tête froide. C’était peut-être  un avertissement de Dieu aux hommes d’aujourd’hui  qui se confient dans leur technologie au lieu de se confier en Lui.

 

3ème bénédiction : Voyage contemporain aux temps bibliques

Nous n’avions jamais imaginé qu’a notre époque, dans un pays développé comme le Japon, nous partirions en exode, à 15 voitures, en un groupe de 60 personnes allant des bébés aux  personnes très âgées et ce, sans nourriture ni essence. Nous avons ainsi parcouru 700 km, ce qui, étrangement, correspond presque au pourtour de la péninsule du Sinaï.   

Au cours de notre exode, dans les montagnes du nord, nous avons trouvé 1m de neige sur la route et avons passé des cols dans la tempête de neige. Nous n’avions pour seule nourriture que des conserves. 

Hébergés ici et là en groupe, nous n’avions ni vie privée, ni effets personnels, nous nous sentions comme les premiers chrétiens dans Actes 8, qui fuyaient  à cause de la persécution. Notre église était devenue une église itinérante de 60 membres. Chaque jour nous avions un culte et une étude biblique. 9 personnes ont même été baptisées   pendant cet exode. C’était vraiment une drôle d’église itinérante. Je me suis demandé alors si nous n’étions pas en train d’inaugurer une nouvelle sorte d’église, ouverte 24h/24, 365 jours par an !

Quand on  réfléchit à ce qui est relaté dans Actes chapitre 8, on comprend que l’église primitive était aussi devenue, comme la nôtre, une sorte d’église itinérante après la lapidation d’Etienne.

Comment ne pas évoquer aussi Moise et les enfants d’Israël qui après leur  sortie d’Egypte ont dû voyager sans interruption pendant 40 ans.

Il y a eu aussi l’exil en Babylone, ou pendant presque 70 années, dans cette terre étrangère, le peuple d’Israël a languit  après Jérusalem. 

Nous aussi, nous avons  été forcés de fermer notre église, et maintenant nous ne pouvons plus retourner dans notre région natale, dans nos maisons. Nous avons commencé alors une sorte d’exode  qui nous a fait réaliser qu’en fait, nous n’étions que des voyageurs sur cette terre.

Je me demande si c’est la diaspora que nous vivons, puisque les membres de mon église ont été dispersés ou bien si nous sommes plutôt  le  «  restant », puisqu’un  groupe  a subsisté.

Maintenant je n’ai pas de mal à imaginer  que les auteurs des Psaumes et des Lamentations  les ont écrits  en pleurant, le cœur rempli de nostalgie pour leur région natale. 

Ce que la Bible enseigne ce n’est pas de la philosophie, ce qu’elle enseigne c’est la vie, la vie telle qu’elle est.

Notre propre exode  m’a rendu l’univers de la Bible  beaucoup proche, voire familier.

 

4eme bénédiction : Professions de foi

 Pendant la 1ère année de notre exode, 4 membres de notre église sont décédés et 9 ont été baptisés.

Chose étrange, dans la même semaine ou une femme, membre de l’église est décédée emportée par le tsunami, une autre femme venant du même quartier s’est fait baptiser. Je pense qu’en voyant la terre trembler, les gens perdre leur emploi et sa propre vie secouée, elle a ressenti l’urgence de remettre en question les croyances sur lesquelles elle s’appuyait jusqu’alors.

Une famille de 6 s‘est aussi fait baptiser en urgence. Initialement prévu au début de l’été, ils ont avancé la date de leur baptême ne sachant pas si en été la terre existerait toujours ou si eux-mêmes seraient encore en vie.   

Un des membres de notre église employé à la Centrale  Nucléaire, conscient du grand danger qu’il y courait, criait à Dieu dans sa frayeur  avant de retourner  travailler à la centrale.  C’est en pleurant tous que nous avons prié avec  lui.

Sur notre chemin de tristesse et de souffrance j’ai entendu des professions de foi telles le cri des nouveau-nés  et des prières comme des gémissements.

 

A notre époque ce sont les accomplissements qui comptent mais nous, à travers cet exode, nous avons compris que plus que les accomplissements, c’est le cheminement qui compte. Même si on tombe, on se relève, même si on pleure, on essuie ses larmes. Quand seul on ne peut rien faire les autres viennent nous aider.  Pendant tout ce cheminement, Dieu garde les yeux sur nous.

Comme il est écrit dans le Psaume 119 au verset 71 je peux dire : «  Il m’est bon d’être humilié afin que j’apprenne tes statuts »

 

5ème bénédiction : L’Eglise est surprenante

 Dans le verset cité au début de mon message (1 Pierre 4 : 13) Pierre nous encourage, dans la fournaise de l’épreuve, de nous réjouir de la part que nous avons aux souffrances de Christ.

 

Au début, les membres de mon église ont été dispersés de Hokkaido au nord du Japon a Okinawa au sud. Les commerces, les hôpitaux et les écoles ont fermé, j’ai pensé alors que c’était la fin de mon église et j’étais complètement découragé. Mais mon église a survécu.

 Apres le triple désastre, j’ai voulu rassembler en un même lieu ceux qui étaient dispersés dans des centres de refuge et particulièrement ceux qui étaient âgés et malades, c’est-à-dire une dizaine de personnes. Quand je suis allé au point de rencontre que nous avions fixé, ce n’était pas 10 mais 60 personnes qui m’y attendaient.

De là a commencé notre drôle d’exode sans essence, sans nourriture, sans vêtements de rechange, sans endroit pour dormir. Mais notre église était vivante.

Certes, nous n’avions plus de bâtiments, plus de structure, plus de programmes mais tous les jours nous avions un culte et nous continuions notre voyage en nous soutenant les uns les autres.

Notre église a été à deux doigts de disparaitre mais elle a survécu. Comme le dit Paul, l’Eglise est vraiment le corps de Christ.

L’Eglise au Japon à première vue, avant le désastre, ne paraissait pas  très développée et semblait pouvoir disparaitre du jour au lendemain  mais le désastre a révélé qu’elle possédait  en elle, la vie  du Christ ressuscité. 

Dans Ephésiens, au chapitre 1, versets 22 et 23 il est écrit :

«  Il a tout mis sous ses pieds, et il l’a donné pour chef suprême à l’Eglise, qui est son corps, la plénitude de celui qui remplit tout en tous »

 De plus, même si au Japon les églises sont petites et les chrétiens  peu nombreux, j’ai découvert à travers le désastre qu’ils sont vraiment le sel de la terre. Après le désastre, beaucoup d’églises dans tout le pays, toutes dénominations confondues, se sont unies pour apporter leur aide  aux sinistrés. Grâce à cela l’Eglise a acquis de la notoriété sur les lieux du désastre. Toutes ces églises ont mis  en application  ce que la Bible enseigne sur l’aide  aux démunis et sur l’hospitalité.

J’ai été surpris de voir venir dans les églises des gens qui n’y avaient jamais mis les pieds auparavant et aussi de voir beaucoup de non-chrétiens de la région venir nous apporter leur aide  quand nous étions refugiés au centre missionnaire allemand près de Tokyo. C’est comme si  le désastre avait créé un lien entre chrétiens et non-chrétiens.

Comme je l’ai dit auparavant le désastre avait aussi enlevé les barrières entre les dénominations : plus de Baptistes, ni d’Anglicans mais juste des chrétiens au coude à coude pour secourir les sinistrés.         

Enfin il y a eu aussi l’aide apportée par l’étranger.

A travers le site de notre église : f1church.com, j’ai commencé à écrire mon journal et ainsi beaucoup ont appris notre existence et nos conditions de vie précaires.

Notre site, où était posté mon journal traduit en 6 langues, dont le français, recevait alors 200 000 visites par jour.

Des journalistes japonais mais aussi des journalistes étrangers sont venus m’interviewer.

(Je vous invite d’ailleurs à venir visiter notre site a : f1church.com)

 

Nous avons reçu l’aide et les prières de beaucoup de chrétiens du monde entier. Notre église m’a semblé être alors une drôle d’arche de Noé voguant sur internet et recevant le soutien de l’étranger. Nous avions l’impression de vivre une histoire biblique des temps modernes.

 

6e   bénédiction : une mission

Juste après le désastre, je pensais « Pourquoi dois-je traverser une telle épreuve ? » « Est-ce ainsi que va s’achever l’histoire de mon église ? » Je ne comprenais vraiment pas, j’étais dépité. Puis j’ai commencé à penser que ce n’était peut-être pas par hasard que notre église ait été la plus proche de la centrale nucléaire. Dieu avait certainement une mission spéciale pour elle.

Les médias étrangers, après le désastre, disaient que les japonais étaient très patients. C’est vrai que nous le sommes et c’est vrai aussi que notre église allait aussi traverser patiemment les épreuves et être restaurée. N’avait-elle pas été choisie dans ce but ?

Comme je vous l’ai dit au début, notre église a été fondée, il y a 65 ans, par un jeune missionnaire américain. Conformément à la tradition, elle avait été nommée Eglise Baptiste Fukushima Dai ichi.[ Dai ichi veut dire « première »] et c’est bien après, qu’une centrale nucléaire du même nom a été construite tout près. Est-ce une simple coïncidence que notre église porte le même nom que la centrale nucléaire accidentée ?

Est-ce une coïncidence aussi que ma femme ait fait pendant 30 ans le même rêve où elle voyait tous les membres de notre église faire un long voyage en bus et que ce rêve ce soit réalisé? N’était-ce pas du « déjà vu » ? Dieu ne nous avait-il pas préparés en rêve à ce qui nous attendait ? Ne l’avait-il pas déjà grave dans notre subconscient pour que nous n’ayions pas peur quand cela se produirait ?

Je crois fortement que nous sommes en train de marcher sur le chemin que Dieu a tracé à l’avance pour notre église, pour un temps comme celui-ci.

 

Je voudrais terminer par un court témoignage.

Quand la centrale nucléaire a commencé à exploser le 15 mars 2011, ma femme et moi étions près de Tokyo. A minuit, le jour même, nous avons chargé notre voiture d’articles de première nécessité et nous sommes partis pour Fukushima sur des routes crevassées. Nous pensions qu’au pire nous n’en reviendrions pas vivants. A l’aube, alors que nous entrions dans la préfecture de Fukushima, j’ai reçu un texto de notre plus jeune fille me disant : « Papa,  le 2ème réacteur a explosé, soit prudent. Encourage tous les membres de l’église. Papa, je crois  fortement que tu es devenu pasteur pour un temps comme celui-ci. »  J’ai alors pleuré et ma femme aussi. Puis j’ai décidé que dorénavant  je ne dirai plus : « Pourquoi cela m’est-il arrivé à moi ? » Mais je dirai plutôt : « C’est pour cela que mon anniversaire est le 11 mars, le jour du  désastre. C’est pour ce jour –la que je suis ne »

 

A partir de ce jour-là, en charge de 60 membres de mon église, ma vie a été trépidante, mes journées ont été comme des montagnes russes émotionnelles, ce qui n’était pas très bon pour mon cœur. Je discutais de projets de construction d’une nouvelle église et d’une maison de retraite avec les autorités locales et nationales. Je cherchais de nouveaux emplois et des logements pour les membres de mon église. Tout cela me faisait penser à Esther qui a  fait tout ce qui était en son pouvoir pour sauver son peuple après que Mardochée lui ait dit pour la décider : « Et qui sait si ce n’est pas pour un temps comme celui-ci que tu es parvenue à la royauté ? » Esther 4 : 14

Et puis, tout comme pour le peuple d’Israël après sa sortie d’Egypte, Dieu nous a conduit nous aussi, pendant notre exode,  par des sortes de colonnes de nuée et de feu et a opéré beaucoup de miracles au milieu de nous.

 

 Je n’ai pas de regrets, j’ai fait tout ce que j’ai pu  pour mon église. Ces 2 dernières années, j’ai l’impression d’avoir pleuré et ri la part de 10 années.

Je vous  remercie du fond du cœur pour votre soutien jusqu’à aujourd’hui.

Grâce à vous, au mois de mai de cette année, à 60 km de l’endroit où nous habitions et qui est toujours en zone interdite, nous avons pu faire construire une nouvelle église. La forme des bâtiments représente un oiseau aux ailes déployées prêt à prendre son envol en direction de sa région natale.

Notre église se veut être symbole de la renaissance mais aussi maison de prières.

Merci de prier pour que nous continuions de tenir ferme et de porter du fruit.

J’aimerais terminer avec le Psaume 23 qui est devenu réalité pour moi.        

   

« L’éternel est mon berger : je ne manquerai de rien.

Il me fait reposer dans de verts pâturages,

Il me dirige près des eaux paisibles.

Il restaure mon âme,

Il me conduit dans les sentiers de la justice.

A cause de son nom,

Quand je marche dans la vallée de l’ombre de la mort,

Je ne crains aucun mal, car tu es avec moi :

Ta houlette et ton bâton me rassurent.

Tu dresses devant moi une table,

En face de mes adversaires ;

Tu oins d’huile ma tête,

Et ma coupe déborde.

Oui, le bonheur et la grâce m’accompagneront

Tous les jours de ma vie,

Et j’habiterai dans la maison de l’Eternel

Jusqu’à la fin de mes jours. »           



JOURNAL D’UN PASTEUR ÉVACUÉ

 (du 13 mars au 18 août 2011)

(traduction faite par Danielle Amano avec l’autorisation du Pasteur Akira Sato)

 

 Voici le journal du Pasteur Akira Sato dont l’église Baptiste :”Fukushima Dai ichi” se trouve à quelques kilomètres seulement de la centrale nucléaire endommagée.

 

13 mars 2011 : rapport n° 1: Rapport d’évacuation.

Chers pasteurs et chères congrégations,

Dieu soit loué, j’apprécie réellement toutes vos prières.

Le 11 mars, quand le tremblement de terre a eu lieu, j’étais à Chiba où j’assistais à une cérémonie à l’Université Chrétienne de Tokyo. Je me trouve d’ailleurs toujours à Chiba où je suis bloqué à cause du mauvais état des routes et de la pénurie d’essence. Je passe mon temps à essayer de contacter les membres de mon église qui sont sinistrés ainsi que le Pasteur Masashi Sato pour avoir de leurs nouvelles.

C’est un triple désastre ! A cause du tremblement de terre, la maison de certains a été partiellement détruite. Je n’ai pas pu rentrer en contact encore avec les familles qui habitent près de la plage. J’ai appris que la gare de Tomioka avait été emportée par le tsunami. La ville elle-même a été complètement détruite. Vous avez certainement déjà dû entendre parler de l’accident nucléaire à la centrale Fukushima Daichi. Les habitants alentour ont être évacués et les membres de mon église l’ont été aussi, par bus, sans avoir eu le temps de prendre quoique ce soit. Ils sont actuellement dispersés dans des écoles ou des gymnases et il m’est difficile de savoir comment ils vont. J’ai entendu dire qu’il n’y avait pas de couvertures pour tous et que certains ne pouvaient dormir la nuit à cause du froid dans les lieux de refuge. Dans certains il n’y avait même pas de distribution d’eau et de nourriture ou bien juste un onigiri. (boule de riz) comme repas. Je suis très inquiet pour le frère Suenaga âgé de 95 ans et hospitalisé pour une pneumonie. Il a dû lui aussi être évacué de son hôpital.

Certains ont des os fracturés, d’autres ont besoin de dialyse. Certains sont avec des bébés, d’autres avec des enfants handicapés… Je ne peux vraiment pas m’empêcher de m’inquiéter pour les personnes âgées et ceux qui sont malades, à l’heure actuelle ils doivent être épuisés. Je vous demande de prier pour eux.

J’ai un autre grand sujet de prière : c’est qu’il n’y ait plus de fuites radioactives ! Le pire scénario serait que les membres de mon église ne puissent jamais retourner dans leur ville, dans leurs maisons, que les portes de l’église soient fermées pour toujours et que le travail missionnaire cesse dans cette région.         

 S’il vous plait, priez pour que cela n’arrive jamais. Priez pour que tous puissent revenir dans leur ville, pour que les portes de l’église s’ouvrent à nouveau et que nous puissions encore y adorer et louer le Seigneur.

 Aujourd’hui nous devions avoir un culte ainsi que des baptêmes et un engagement, tout a dû être annulé. Combien de temps les membres de mon église vont-ils devoir errer avant de pouvoir retourner chez eux? Je n’en ai aucune idée! Rien que d’y penser je me sens déprimé ! Cependant je crois fermement et je le déclare, notre Dieu Tout Puissant, Seigneur de l’histoire qui règne sur tout, même sur la nature, va ouvrir une autre page pour la mission et nous conduire à travers elle.

Le Révérend Mori Keiichi a demandé de prier pour nous après avoir reçu mon appel téléphonique ce matin, ce que j’apprécie énormément. Une dizaine de personnes ont quitté le refuge où elles étaient, pour aller à la Chapelle Aizu qui voulait bien les accueillir. Elles vont y rester et j’en suis très reconnaissant. Les autres restent pour l’instant dans leur refuge. Beaucoup de personnes ont proposé leur aide et ont fait des dons et je suis très reconnaissant pour cela aussi.

 Mon dernier message dominical avait pour titre :” Ézéchias, une prière urgente” j’étais loin alors de penser que quelque chose comme cela allait nous arriver la semaine suivante. Alors que sa nation menacée de destruction par l’Assyrie, faisait face à une situation de vie ou de mort, Ézéchias s’est revêtu d’un sac, a prié et a demandé au prophète Esaïe d’adresser à Dieu une prière urgente. C’est alors que le roi d’Assyrie est retourné à Ninive et a été tué par son propre fils… Cette histoire nous a rappelé que Dieu est maître de l’histoire et qu’Il œuvre de façon extraordinaire. Je n’aurais jamais pensé avoir moi aussi, comme Ézéchias, à demander une prière urgente et je n’aurais jamais pensé non plus que nous serions tous dispersés dans différents lieux de refuge où nous y lirions la Parole.

Encore et encore je vous demande humblement de prier avec ferveur et de façon pressante pour que notre église survive à cette crise, pour que le travail missionnaire ne cesse jamais et pour que nous nous relevions. Priez pour que les fuites radioactives cessent. J’ai besoin de vos prières!

 

14 mars : rapport n° 2

Nous avons réussi à contacter 150 membres de l’église, tous sains et saufs, Alléluia ! Une sœur m’a dit que quand la vague l’avait rejointe, elle avait pu nager jusqu’en lieu sûr. J’avais les larmes au bord des yeux tout en leur parlant d’un téléphone public. Nous sommes cependant encore sans nouvelles d’une cinquantaine.

En nous rendant à Yonezawa alors que nous faisions quelques achats, j’ai entendu les autres clients dire : ”Il cède à la panique et fait des achats de précaution” mais je n’avais pas le cœur à répliquer pour me défendre…

 Les bus nous ont conduits d’un centre de refuge à l’autre. L’un d’entre eux était assez confortable avec des sources chaudes à proximité et même des boutiques. Un autre par contre, n’avait pas de chauffage et très peu de nourriture. Pour nous protéger du froid, j’ai acheté plusieurs paires de chaussettes bien chaudes. Dans une boutique de téléphones portables, j’ai demandé un chargeur et des câbles. Les vendeurs m’ont ému par leurs paroles d’encouragement. J’ai aussi été touché d’apprendre que des sauveteurs allaient arriver de l’étranger.

Pour éviter les embouteillages nous partirons pour Aizu après minuit.

 

16 mars : rapport n°3 :

Voyageant avec 2 autres camions, nous nous arrêtons dans quelques boutiques aux environs d’une heure du matin le 15 mars et achetons ce que nous y trouvons.

Nous arrivons à l’église d’Aizu à 11 heures (10 heures de route depuis Chiba). Nous resterons ici quelque temps.

Environ le tiers des membres de notre église habite tout près de la centrale nucléaire de Fukushima. A cause de cela, ils ont dû se soumettre le matin à des contrôles de mesure de radioactivité et nous avons pu finalement nous réunir tous l’après-midi pour l’adoration. Je les entendais sangloter, ils venaient de vivre de dures épreuves.

Dans la soirée j’ai pu me rendre aux sources chaudes. Cela m’a fait du bien de prendre un bain après 5 jours sans pouvoir le faire.

Tous ont l’air si heureux de se retrouver que cela aussi m’émeut jusqu’aux larmes.

Notre vie de nomades a commencé. Quand je leur ai demandé s’ils avaient pu faire une lessive, ils m’ont répondu qu’ils n’avaient rien eu à laver, les seuls vêtements qu’ils avaient étant ceux qu’ils portaient

Maintenant il nous faut trouver de l’essence et un endroit où rester. 60 d’entre eux ont décidé d’aller au nord de la préfecture de Yamagata espérant pouvoir rester là-bas plus longtemps. Rien n’est clair pour nous : Pourrons-nous retourner chez nous ? Si oui dans combien de temps ? Pourrons-nous adorer le Seigneur de nouveau dans notre église ou bien notre ville sera-t’elle complètement laissée à l’abandon ? Comme les Israéliens dans le désert, la seule chose que nous pouvons faire, c’est de suivre Dieu qui va nous guider de jour par une colonne de fumée et de nuit par une colonne de feu.

 1. “Je regarde vers les montagnes : Y a t-il quelqu’un qui pourra me secourir ?

 2. Pour moi le secours vient du Seigneur qui a fait le ciel et la terre.

 3. Qu’il te préserve des faux pas, qu’il te garde sans se relâcher!

 4. Lui qui garde Israël sans se relâcher, sans dormir,

 5. Il te gardera, il restera à tes cotés comme une ombre protectrice.

 6. Ainsi pendant le jour le soleil ne te nuira pas, ni la lune pendant la nuit.

 7. Le Seigneur préservera ta vie, il te gardera de tout mal.

 8. Oui, le Seigneur te gardera, de ton départ à ton arrivée, dès maintenant et toujours !”

 ( Psaume 121)

 

18 mars : rapport n° 4

Je me sens soutenu par les prières de tous nos amis.

En écoutant l’histoire de chacun, je peux voir qu’ils sont tous passés à traversle feu et le tsunami. Un de nos membres pour lequel j’étais particulièrement inquiet, m’a contacté hier. Il a eu une crise cardiaque juste après le tremblement de terre. S’il n’avait pas été opéré d’urgence une demi-heure plus tard, il serait mort. Il était très reconnaissant à Dieu de l’avoir gardé.

Une autre personne m’a raconté que parce qu’au moment du tremblement de terre, elle était assise sur le siège de sa collègue, elle avait échappé de justesse à la mort. Plus tard alors qu’elle conduisait sur une route complètement déformée par le tremblement de terre, elle a pris des gens qui se sauvaient et parmi eux, une personne qui lui a montré comment conduire sur une telle route.

Beaucoup de voitures étaient coincées dans les crevasses de la route. Ils ont réussi à parvenir au centre de secours. Maintenant, cette personne est hébergée par des membres de sa famille.

Ce qui me semble le plus miraculeux, c’est qu’aucun d’entre eux ne m’ait posé des questions du genre : ” Pourquoi Dieu a-t-il permis cela ?” ou bien des remarques telles que : “ Je ne peux croire en Dieu ! Il n’y a pas de Dieu !” De la part des 160 membres avec lesquels j’ai pu reprendre contact, les mots entendus ont été : “Dieu est grand ! A partir de maintenant, je veux marcher avec Lui en Lui faisant entièrement confiance.”

Je suis émerveillé par la profondeur de leur foi dans le Seigneur.

Hier, 3 des personnes qui sont avec nous ont accepté Jésus dans leur cœur, Alléluia !

Il y a 2 jours, quand nous avons quitté Fukushima pour Yamagata, certains ont décidé de rester avec leur famille ou amis. Une fois de plus, j’étais au bord des larmes, craignant de ne jamais les revoir. C’est très triste d’avoir à faire ses adieux aux membres de la famille de Dieu.

Hier, nous avons roulé (12 voitures au total) à travers la tempête de neige jusqu’à notre nouvelle destination : Yonezawa. Quand nous y sommes arrivés, tous les bâtiments de l’église étaient recouverts d’une épaisse couche de neige.

Il faisait extrêmement froid mais les membres de cette église nous ont accueillis avec des "udons” et des “sobas” chauds. En mangeant, je dis au Seigneur tout en retenant mes larmes : “ Rends nos cœurs aussi blancs que la neige qui nous entoure”

Allons-nous être un peuple en situation de diaspora ? Allons-nous retrouver une vie stable ? En tous cas, ce qui est évident, c’est que Dieu est en train de tout secouer à travers ces tragiques événements. Des personnes reçoivent Jésus comme Sauveur et Seigneur sans discuter. D’autres se repentent, avouant que leur foi était endormie. Ils disent qu’actuellement, en tant qu’êtres humains, ils n’ont pratiquement rien pour les soutenir mais qu’en fait, on n’a pas besoin de toutes ces choses matérielles pour vivre.

Le Seigneur met chacun d’entre eux au défi en les secouant jusqu’au plus profond de leur âme.

Est-ce le début d’un Exode vers une nouvelle frontière que le Seigneur va nous ouvrir ?

 

19 mars : rapport n° 5 :

 C’est notre 3e jour à Yonezawa. Je suis très reconnaissant pour toutes les prières et le soutien de mes frères et sœurs en Christ.

Les gens autour de moi disent que quand ils ont dû quitter leur maison, ils pensaient y revenir une ou deux heures plus tard ! Ils n’ont absolument rien pris avec eux. Des frères et sœurs nous apportent vêtements et nourriture de tout le Japon. J’ai l’impression d’être tout comme le prophète Elie, nourri par Dieu (lui, ce sont des corbeaux qui lui apportaient à manger). Notre groupe, actuellement de 50 personnes, vit de généreux dons. Beaucoup d’entre nous sont fatigués et ont dû aller chez le médecin. Personnellement, j’ai eu de la fièvre.

Hier je tenais mon mobile à la main mais je ne me souvenais absolument pas de ce que j’avais l’intention de faire. Je me sentais engourdi, vide de toute sensation. J’avais le cœur brisé. Puis, soudainement je me suis senti envahi par un sentiment de perte, de 3 pertes exactement : je n’avais plus de maison, plus d’église, j’étais chassé de ma ville et je n’avais plus de ministère. Je ne sais vraiment pas ce qui va se passer maintenant. J’essaie d’avoir une vue d’ensemble mais j’en suis incapable.

Mon église avait été fondée par un missionnaire américain, bien avant la construction de la centrale nucléaire. Il l’avait nommée “Fukushima Dai Ichi” selon la tradition de sa propre église aux USA.

La centrale nucléaire porte le même nom mais nous le portions déjà bien avant. Il y a deux jours, un frère qui travaille à la centrale mais qui était avec nous à Yonezawa, a été rappelé au travail. Nous avons prié pour lui avec sa famille avant de l’envoyer.

D’autres membres de mon église travaillent aussi à la centrale, au risque de leur vie.

“Seigneur, s’il te plaît, protège-les de Ta main puissante!”

Dans 1 Chroniques 4:10 on peut lire : Yabes prononça cette prière : ” Dieu d’Israël, accorde-moi Ta bénédiction et élargis mon territoire ! Etends sur moi Ta main protectrice et éloigne de moi le malheur et la souffrance ! Dieu lui accorda ce qu’il avait demandé. »

 

21 mars : rapport n° 6

Nous avons eu un culte d’adoration hier, le premier en deux semaines. L’église de Yonezawa nous laisse utiliser leurs instruments et tout leur équipement audiovisuel.

Je pleurais pendant l’adoration et j’en rendais responsable le leader de la louange (le pasteur adjoint) qui était en larmes aussi ! Il semblerait que si on a envie de pleurer il faut le faire sans retenue…J’ai pleuré toutes les larmes que j’avais accumulées pendant 50 ans !

Vivre avec 50 personnes, c’est à dire cuisiner, manger et dormir avec elles, ce n’est pas ordinaire. Cela fait dix jours maintenant que cela dure et je ne sais plus ce qui est ordinaire ou ce qui ne l’est pas. J’essaie d’accepter et de suivre le courant. En faisant ainsi, je suis peut-être en train de recharger mes batteries pour les jours à venir.

“Il n’éteint pas le roseau qui fléchit, il n’éteint pas la lampe qui faiblit” Esaïe 42:3

Que le Grand Berger étreigne son troupeau et le transporte sur ses ailes.

 

23 mars : rapport n° 7

J’ai pris mon lundi et je me suis un peu reposé. Dans la soirée nous sommes sortis pour dîner. (première et dernière fois certainement durant notre séjour ici). Le restaurateur a donné des bonbons aux enfants, les adultes regardaient en souriant…Je me suis permis d’appeler cette scène: “le bonheur”.

Maintenant nous avons une sorte de “laissez-passer”! Par exemple, si au guichet d’entrée des Thermes je dis : “ C’est joli ici ! Ah, au fait je suis un survivant du tremblement de terre et du tsunami!“, eh bien on me fait une remise de 50%! Cela ne marcherait pas si je prétendais être une victime sans l’être en réalité, il y a quelque chose que seules les véritables victimes peuvent communiquer.

Hier j’ai établi un emploi du temps journalier. Après le petit-déjeuner et le ménage, nous avons un temps de louange à partir de 9h30. Puis, il y a une étude biblique avec un temps de prière et de partage. A 10h30 nous faisons de l’exercice physique, des jeux et de la relaxation. Beaucoup ne se sentent pas bien. Nous devons maintenir nos forces. Les enfants étudient jusqu’en fin d’après-midi. C’est comme une petite école dans les montagnes.

 Le 11 mars, quand le tremblement de terre et le tsunami ont eu lieu, c’était le jour de mon anniversaire, de mes 54 ans !

Hier j’ai reçu un cadeau d’anniversaire : une paire de chaussons que quelqu’un m’a achetée pour la somme de 200 yens ( 1euro 24) Normalement on ne mentionnerait pas le prix, mais les circonstances sont particulières. Ils ont tellement plus de valeur que cela à mes yeux, je les garde précieusement dans mon sac !

 Aujourd’hui, après le culte d’adoration nous aurons une remise de diplômes (cérémonie de fin d’année scolaire) pour les enfants de maternelle et du primaire. Je ferais bien d’essuyer mes larmes et de servir d’une manière digne d’un pasteur !

J’ai reçu un appel téléphonique de Corée disant :  « Nous regardons la télévision, stupéfaits et en larmes devant la façon dont les Japonais font face à la situation, faisant la queue tranquillement pour la nourriture sans se bagarrer. »

Peut-être notre église a t-elle été plantée à Fukushima avant l’installation de la centrale pour nous préparer à cette épreuve et nous rendre suffisamment forts pour la supporter.

Je me souviens combien j’avais été touché en lisant le livre d’Ernest Gordon : ” Through the valley of the Kwai“. Pendant la seconde guerre mondiale, les prisonniers de guerre d’un camp de Thaïlande étaient maltraités par les soldats japonais. Soumis à une pression extrême, ces prisonniers se comportaient de manière épouvantable les uns envers les autres. Cependant, quand ils ont commencé à se rassembler autour d’une copie du Nouveau Testament, ils ont commencé aussi à changer. Les faibles étaient encouragés, ils ont commencé à partager le peu de nourriture qu’ils avaient et l’un d’entre eux a même donné sa vie pour sauver les autres ! Après la guerre, les ex-prisonniers ont pris leur revanche sur les Japonais et ce, dans tous les camps, sauf dans celui-là. C’est grâce à cette expérience qu’Ernest Gordon est devenu chrétien. Ce qui s’est passé dans ce camp, pour moi, c’est ça la véritable Eglise, là où Christ est à l’œuvre. Si Dieu a choisi ces prisonniers de guerre dans Son but, peut-être nous a-t-Il choisis nous aussi dans un but spécifique.

J’ai reçu de bonnes nouvelles aujourd’hui : La maison d’édition “Word of Life” m’a téléphoné pour m’annoncer que mon livre “ Dieu est à l’œuvre dans les bons moments comme dans les mauvais” venait d’être publié. Qui aurait pensé qu’une catastrophe d’une telle ampleur se produirait au moment de la publication ? C’est comme si mon propre livre allait m’encourager à avancer.

 

 24 mars : rapport n° 8

Durant notre culte ce matin, nous avons lu dans Mathieu 5 que Dieu nous appelait à être la lumière du monde et le sel de la terre. Les gens disent que ce tremblement de terre est le début d’une période de tribulations. Nous sommes dans un temps d’épreuves, il n’y a aucun doute à ce sujet ! Nous devons être secoués ou passer à travers le feu pour que le sel garde ou retrouve son goût salé. Dans Hébreux 12:5, nous pouvons lire :”Ne te décourage pas quand Dieu t’adresse des reproches”. Je voudrais prendre cette épreuve comme la discipline de Dieu, tout comme les parents qui aiment leurs enfants les disciplinent.

 

Hier il neigeait, nous avons eu notre remise de prix pour les enfants de maternelle et du primaire. Tout le monde pleurait. Il semble que personne ne pourrait nous empêcher de pleurer. Nous avons pris une photo de groupe après avoir chanté la chanson que nous chantons toujours à cette occasion. Voilà cette chanson (j’y ai ajouté un autre couplet pour exprimer ce que je ressens en ce moment).

“Que le temps passe vite, je ne peux pas croire à la vitesse à laquelle tous ces moments ont passé… Ces précieuses années ici, avec vous, ont défilé les unes après les autres. J’ai appris de vous à faire correctement ce qui doit être fait. Maintenant le moment est venu de faire ses adieux avec un cœur éternellement reconnaissant.

Bien que dans un refuge, nous, la famille de Dieu, avons une journée bénie.

Comme c’est bon de voir vos petites mains !

Que Dieu vous bénisse alors que vous entrez dans une nouvelle étape de votre vie.”

J’espère qu’à la sortie de cette épreuve, nous aurons une remise de prix quand le Seigneur nous dira : “C’est bien, bon et fidèle serviteur!”

 

 24 mars, 17h : rapport n° 9

Il neige. Je sens en moi une montée d’énergie, comme le passage de l’hiver au printemps. Dieu a préparé un plan de restauration. Depuis le début du désastre jusqu’à maintenant, nous vivons de la nourriture et des articles de première nécessité envoyés de tout le Japon, au bon vouloir des gens. Bien que nous n’ayons pas de viande, notre nourriture quotidienne est variée. Nous sommes gardés en bonne santé et je sens comme une force de résurrection à l’œuvre en moi. Je me sens béni d’être soutenu par tout ce que les gens nous donnent.

Je sens que le Seigneur a choisi notre église, Il l’a placée intentionnellement à côté de la centrale nucléaire et Il m’a désigné aussi pour en être le pasteur, un pasteur qui s’est trouvé face à un désastre.

J’ai décidé de partir demain pour Tokyo et Yokohama pour assister aux réunions qui étaient prévues. J’ai aussi l’intention d’aller rendre visite aux autres membres de mon église disséminés ici et là. Certains d’entre eux m’ont parlé au téléphone. Plus que toute autre chose, c’est la perte de mon église qui m’attriste. Je suis à nouveau en larmes même si je m’étais promis de ne plus pleurer !

Je ne serai pas vaincu, je n’abandonnerai pas ! Tout en me disant tout cela, je quitte mon “Arche” mais je vais y revenir.

“ Mon Seigneur, Toi qui ne te relâches ni ne dors, bénis ce troupeau pendant que je suis loin. Etreins-les et accorde Ta miséricorde à tous ceux qui sont dispersés.

 

25 mars : rapport n°10

Je suis reconnaissant pour vos prières. La vie dans un refuge a certains avantages: avant la catastrophe on m’avait recommandé de faire un régime, eh bien j’ai perdu du poids. Certains par contre en ont pris et je leur ai dit en plaisantant : ”Votre vitalité est étonnante ! Vous pouvez survivre à n’importe quel désastre ! “Tout le monde a ri !

Quelques-uns possèdent plus de choses qu’avant : tous les jours des vêtements arrivent, certains sont même tout neufs ! Dans une boutique de vêtements juste à côté, on nous a dit de prendre ce qu’on voulait sans payer !

Certains disent même qu’ils mangent mieux au refuge qu’ils ne mangeaient chez eux !

Même au beau milieu d’une grande tristesse, nous rions.

Je pense souvent à Jésus qui a connu le chagrin et la souffrance. Il s’est fait homme et est entré dans ce monde de ténèbres, partageant nos joies et nos peines, faisant l’expérience du bonheur et de la tristesse. C’est ce Sauveur que je recherche dans mon cœur.

Ce chemin que nous suivons actuellement est très certainement dirigé par Jésus et il reflète la Bonne Nouvelle. “Tous les chemins mènent à Rome“, Jésus est avec nous sur le chemin, marchons avec Lui.

 

29 mars : rapport n° 11

(Le Pasteur Sato et 50 membres de son église vivent dans un refuge à Yonezawa, à une trentaine de kilomètres de leurs église et maisons, à Fukushima. Le Pasteur Sato se représente son Eglise comme L’Arche de Noé, emportée par les flots mais dirigée par Dieu).

Il y a 4 jours, ma femme et moi avons quitté “L’Arche” et sommes descendus vers le sud. En chemin nous avons rendu visite à un membre de notre église qui était hospitalisé pour un traitement d’urgence. J’ai demandé à un membre de mon équipe de rester auprès de lui et moi, je suis allé chez mon gendre.

Je ne pense pas que ce soit par hasard que nous ayons entendu parler de ce frère hospitalisé au moment même où nous nous rendions à Yokohama et aussi que l’hôpital ait été sur notre chemin. Depuis le jour du désastre, je suis devenu extrêmement conscient de la main de Dieu sur nous. Je ne sais pas si cela est dû au fait que nous sommes plus sensibles à Sa direction ou bien si c’est parce que notre vie étant réduite à son strict minimum, cela nous force à voir ce que nous ne voyions pas auparavant. C’est une des bénédictions du désastre !

L’emploi du temps de l’église et le mien ont été “balayés”, maintenant c’est le Seigneur qui nous donne notre emploi du temps quotidien. Quand les choses terrestres sont secouées jusque dans leurs fondations, Dieu semble nous conduire dans Son propre domaine. Maintenant que nous sommes sous Sa conduite, je voudrais que nous nous suivions Son mouvement sans lutter et que nous prenions plaisir à ce monde qu’il a préparé pour nous.

Arrivés à Yokohama en provenance de “L’Arche”, nous avons reçu un traitement de faveur.

Nous sommes un groupe de croyants arrachés à leur église, à leurs maisons. Nous avons été hébergés dans un hôtel. Pendant 2 semaines nous avons dormi avec les autres membres dans une très grande salle. Puis ma femme et moi avons eu notre chambre privée chez mon gendre et maintenant nous sommes dans une chambre d’hôtel! Je ne me sens pas bien par rapport à ceux qui sont restés dans “L’Arche” mais en même temps je me sens comme un roi ! Je dors 3 fois mieux !

Quand nous arriverons au paradis, le Seigneur nous traitera encore bien mieux, mille fois mieux !

Lundi 28, nous avons rencontré mon éditeur à Tokyo ainsi qu’une équipe de sauveteurs.

Lors d’un meeting, j’ai parlé de ma vie depuis la catastrophe.

 Je me suis retrouvé à parler avec passion et même avec une certaine sorte d’excitation. Venant de” L’Arche”, Tokyo me semble un autre monde. Peut-être qu’émotionnellement, je ne suis pas capable de gérer ces deux mondes en même temps.

 Tokyo me semble triste. C’est comme si tout était en larmes. Ma femme dit qu’elle n’arrive pas à apprécier la nourriture, qui est pourtant délicieuse. Tous les deux nous prenons alors profondément conscience que nous sommes des victimes du désastre. C’est comme si le monde était à l’envers et cela va continuer dans un avenir prévisible.

 

4 Avril : rapport n° 12

Ma femme a fait le même rêve pendant 20 ans. Dans ce rêve, elle voyait les gens de notre église voyageant en groupe pendant longtemps et séjournant dans différents endroits. Elle faisait ce rêve si souvent qu’elle a fini par l’écrire. Je lui avais dit alors que cela devait certainement symboliser quelque chose pour notre église. Maintenant je comprends, nous marchons exactement comme dans son rêve. C’est comme une situation de “déjà vu”. Dieu nous avait donné ce rêve pour que nous familiarisions avec lui et que nous ne soyons ni effrayés ni consternés quand il deviendrait réalité. Dieu avait planté cette image dans nos cœurs et dans nos pensées pour que nous ne soyons pas écrasés par cette très dure épreuve.

C’est comme l’Eglise Primitive qui allait ici et là, proclamant la Bonne Nouvelle du Salut malgré la persécution et la dispersion. Nous sommes chassés de chez nous. La porte d’entrée de notre église est fermée. En ce moment je me surprends à penser souvent à l’Eglise Primitive qui avait dû fuir Jérusalem à cause de la persécution. Comment voyageaient-ils, individuellement ou en groupe comme une famille ? Je pense que le fait que je puisse me perdre dans les récits bibliques est une bénédiction. Tous ces récits ont pris une nouvelle dimension et sont devenus plus réels à cause de notre propre situation.

“Dieu est fidèle à Ses promesses et Il ne permettra pas que vous soyez tentés au-delà de votre capacité de résistance…” (1 Corinthiens 10: 13) D’autres ont pris ce chemin avant nous, Dieu les a conduits. Cela peut surprendre mais Dieu connaît toutes choses. Nous avons l’impression d’être au cœur d’un tourbillon mais si nous marchons tout près de Jésus sur ce chemin, peut être qu’un jour Il nous permettra de marcher sur les eaux.

 Quand je me regarde dans un miroir, je constate que j’ai de plus en plus de cheveux gris. Je n’ai pas repris le poids que j’avais perdu, bien que je mange comme il faut. Neuf des 50 membres de mon église ont pris l’emploi que j’avais réussi à leur trouver.

A l’heure actuelle nous n’avons encore aucun chiffre concernant le nombre de victimes ou de disparus pour la partie de Fukushima où se trouvait notre église. A cause de la menace de la radioactivité, le temps semble s’être arrêté au 11mars dans notre région. Les villes sont devenues des villes fantômes et on entend parler de vols. Nous avons donc fermé nos comptes bancaires et arrêté les abonnements pour le gaz, l’électricité et le téléphone.

 Nous sommes tous fatigués, physiquement et émotionnellement.

 

Seigneur, nous avons dû tout laisser derrière nous en partant, protège nos habitations et notre église des voleurs. Fais-nous savoir quand nous pourrons retourner chez nous et remettre en état nos maisons, nos villes et nos églises. Aide et protège tous les ouvriers [dont des membres de notre église] qui mettent toutes leurs forces à essayer de résoudre les problèmes à la centrale nucléaire.

Quand la situation sera redevenue normale, je me demande combien d’églises et de personnes j’aurai à remercier ! Le nombre grandit jour après jour. Il y en autant que d’étoiles dans le ciel, ma vie ne sera pas assez longue pour les remercier tous !

La souffrance m’a comme englouti juste après le désastre mais maintenant je suis confondu devant la Grâce de Dieu qui triomphe de la souffrance.

“Tu remplis ma coupe jusqu’au bord “ Psaume 23 : 5

 

29 mars. 23h : rapport n° 13

Ce fut une longue journée !

Ce matin, mon épouse, un membre de notre équipe et moi-même avons quitté la maison de mon gendre à Ushiku et sommes partis pour la ville d’Iwaki, vers le nord.

A Iwaki nous avons eu une réunion avec quelques-uns des membres de l’église qui n’ont pas pu partir, malgré la radioactivité, car ils n’avaient pas pu acheter d’essence.

Nous y avons rencontré, devant chez elle, une femme de notre église (80 ans). Elle nous a accueillis très chaleureusement. Tout en pleurant et me serrant la main, elle m’a dit : “Pasteur vous êtes sain et sauf, comme je suis heureuse !”

Après cette réunion nous avons continué notre voyage, nous arrêtant à l’hôpital de Sukagawa et à la maison de retraite d’ Aizu pour rendre visite à d’autres membres de l’église.

Les membres de mon église sont tous dispersés comme les chrétiens de l’Eglise Primitive. Je pense à Paul qui écrivait ses épîtres alors qu’il rendait visite aux chrétiens dispersés.

Il était très tard quand nous avons rejoint “L’Arche” à Yonezawa.

Deux semaines sont passées depuis le désastre mais ici le temps s’est arrêté. Il m’arrive souvent de ne pas savoir quel jour on est. Je n’ai ni lu les journaux ni regardé la télévision depuis. Je ne m’en sens pas capable. Je me demande si c’est parce que nous avons, déjà, bien plus que ce que nous pouvons supporter ou bien si c’est un signe de PTSD (Stress Post Traumatique)?

La veille du désastre, ma femme et moi avons assisté à quelque chose d’inhabituel : un coucher de soleil embrasé qui a semblé brûler jusqu’à complète extinction. C’était si extraordinaire que je l’ai filmé.

 J’ai dit, alors, à ma femme que cela pouvait être le signe précurseur d’un tremblement de terre, sans penser, bien sûr, que j’avais raison ! Se pourrait –il que le Seigneur nous ait donné un signe précurseur ? Si c’est le cas Seigneur, je te demande : “ Quand pourrons-nous rentrer chez nous ? Qu’est-ce qui nous attend les jours à venir ? Nous cherchons désespérément à savoir puisque nous ne voyons pas de chemin devant nous. Si tu nous donnes un signe précurseur de notre rétablissement, nous pourrons mieux supporter l’épreuve. Montre-nous le chemin comme tu l’as fait pour Esaïe en lui disant : “ Quand tu devras aller à droite ou à gauche, tu entendras ces mots prononcés derrière toi : “Voici le chemin à prendre” (Esaïe 30:21)

Il n’y a toujours pas de chiffre officiel concernant le nombre de morts ou de disparus car les accidents, à la centrale nucléaire, ont pris le dessus sur le tremblement de terre et le tsunami. S’il n’y avait pas eu ces accidents, nous aurions tous pu rentrer chez nous et commencer à enlever les débris et à reconstruire nos vies. Mais pour nous tous, le temps s’est arrêté le vendredi 11 mars à 14h46. Certains ne peuvent retenir leurs larmes en disant que s’il n’y avait pas eu d’accidents nucléaires, ils auraient pu secourir ceux qui étaient prisonniers des décombres ou de l’eau.

Seigneur, combien de temps encore allons-nous rester dans les limbes? Permets-nous de commencer la reconstruction. Je veux prendre un nouveau départ. Si nous étions autorisés à rentrer, à réparer les boutiques, les entreprises de construction pourraient recommencer à travailler. Si la situation continue, nous aurons de plus en plus de gens sans emploi. Donne-nous un signe !

Quand tu nous auras donné ce signe, je pourrai alors diriger le troupeau que tu m’as confié, les encourager à garder espoir en vue de ce jour.

 Si tu nous ne donnes pas de signe, donne-nous de la persévérance ! Aide-nous à nous attendre à toi et discipline-nous ! “Si quelqu’un est en Christ, il est une nouvelle création. Les choses anciennes sont passées, voici, toutes choses sont devenues nouvelles.” (2 Corinthiens 5 :17)

Le dernier jour de notre voyage sur cette terre, Tu nous prendras avec Toi dans Ton Royaume et nous laisserons toutes nos possessions terrestres derrière nous. Sommes-nous en train de répéter pour ce jour ?

Je pense à un homme qui m’est cher, il a perdu sa famille entière et se retrouve maintenant dans une grande solitude. Je peux vraiment comprendre ce qu’il traverse.

Y a-t-il une leçon de vie, fondamentale, que Tu veux nous voir tirer de tout cela ?

 

Nous avons pris la décision de quitter Yonezawa après-demain pour aller à Okutama (à l’ouest de Tokyo). La radioactivité ne va pas disparaître tout de suite, les enfants doivent aller à l’école et les gens doivent trouver un travail. Nous avons besoin d’un endroit où nous pourrons vivre les mois à venir et où chacun pourra avoir un minimum d’intimité.

 Nous sommes conscients qu’en tant que chrétiens, nous sommes étrangers sur cette terre. Nous aspirons cependant à un certain niveau de “normalité”, même si la “normalité” sera toujours temporaire sur cette terre. C’est pourquoi nous partons pour notre nouvelle destination. Vos prières sont très appréciées.

 

31 mars : rapport n° 14

Il y a des moments dans la vie où l’on rencontre de nouvelles personnes et des moments où il faut se séparer de celles qu’on connaît. Ce sont ces derniers que j’expérimente le plus récemment. Ce matin, nous nous sommes mis en route pour le sud.

Dans notre recherche d’un endroit où s’installer, c’est la troisième fois que nous changeons de lieu.

Hier soir, les frères et sœurs de l’église de Yonezawa ont organisé une soirée d’adieu pour nous. Ils nous ont servi des sobas et des desserts faits maison. Nous ne sommes restés que deux semaines avec eux mais par leur gentillesse, c’est comme s’ils nous avaient sauvé la vie! C’était vraiment dur de leur dire au revoir. Nous n’avions rien à leur donner en remerciement mais nous avons trouvé des chocolats dans la nourriture de survie et les avons donnés aux pasteurs ainsi que des cartes de la part de chacun de nous. Nous avons chanté un dernier cantique ensemble et nous nous sommes serré la main.

Beaucoup pleuraient et quelques-uns sanglotaient à voix forte, ce qui m’a rendu moins gêné de mes propres larmes !

A cette étape de notre voyage, alors que nous allons d’un lieu de refuge à l’autre, de plus en plus de gens nous aident. Je ne sais pas comment les remercier.

Nous laissons la ville de Yonezawa enneigée derrière nous pour aller nous installer dans la région du Kanto, à la recherche d’un peu de “normalité”. Une vie dans “l’anormalité” a ses limites. Les familles ont besoin de leur propre espace. Chacun a besoin d’intimité.

Cela nous brise le cœur de nous éloigner encore plus de Fukushima mais il fallait prendre une décision. Seigneur, protège ceux qui sont faibles ou âgés durant ce long voyage vers le sud.

Mon emploi du temps pour avril a été complètement effacé et Dieu a écrit Ses nouveaux plans dans mon agenda. Je ne m’attendais pas à aller m’installer à Tokyo. Au fond de mon cœur, je veux rentrer à la maison, dans ma ville, dans mon église.

C’est donc en espérant que ce prochain lieu de vie sera le dernier avant notre retour à la maison, que nous nous dirigeons vers le sud.

Merci à vous tous, frères et sœurs de Yonezawa. Merci aussi à ceux qui nous ont apporté de la nourriture et qui ont transporté si souvent de l’essence et du matériel de Niigata. Merci à toutes les nombreuses personnes qui, même au loin, ont prié pour nous et nous ont soutenus.

Pardonnez-nous s’il vous plaît de ne faire que recevoir et de ne pas pouvoir payer de retour votre gentillesse.

 

1er avril : rapport n° 15

J’attache beaucoup d’importance aux ferventes prières de vous tous qui êtes si nombreux à prier pour nous!

Hier, en fin d’après-midi, nous sommes arrivés au centre de retraite d’Okutama.

Nous avions laissé Yonezawa sous la neige à 10 h. Comme nous y étions restés 15 jours, nous avons beaucoup de souvenirs. Ici, les cerisiers sont en bourgeons. Nous allons y rester assez longtemps. Chacun s’est installé dans sa propre chambre. Il y a des écoles, des hôpitaux et un bureau de poste à proximité.

Beaucoup de gens sont venus assister à notre départ de Yonezawa. Nous avions dû emballer toute la nourriture de survie que nous avions : riz, conserves, nouilles instantanées… Alors qu’on essayait de coincer une boite de plus dans le coffre déjà plein, je murmurai :” Quand sommes-nous devenus si voraces?” Je me demande si nous n’avons pas laissé une mauvaise impression à nos frères et sœurs de Yonezawa.

 En route j’ai commencé à redouter l’accident à cause de la surcharge. J’avais peur aussi que des médias viennent et rapportent que nous étions comme des” rapaces !”

Nous étions tous d’accord en tous cas pour dire que nous étions devenus experts en matière de déménagement rapide, nous avions dû le faire si souvent ! Les reporters pourraient dire que les désastres produisent des gens miraculeux. Cette idée nous a fait rire. Chacun prie et espère que ce déménagement sera le dernier.

Nous essayons de prendre notre situation à la légère. Je ne sais pas si je dois rire ou pleurer. Ça dure depuis si longtemps… J’aimerais que cela se termine, mais cela semble hors de portée alors je dois poursuivre ma route avec anxiété et dans l’expectative. Où que j’aille, j’ai l’impression d’être toujours en train de dire :”Merci !”. A l’heure du repas, je pense à ceux qui ont envoyé les ingrédients et à ceux qui les ont cuisinés. Je remercie ceux qui nous ont envoyé les vêtements que nous portons et toutes les autres choses que nous utilisons et je remercie le Seigneur qui les a incités à donner.

 Parce que nous avons été secourus dans ces temps difficiles et parce que nous avons énormément reçu, nous devons changer. “ Seigneur puissions-nous avoir un cœur reconnaissant tout le reste de notre vie et pas seulement pendant l’épreuve.”

Je vous ai déjà parlé du régime que je devais faire. Je ne peux pas le dire de façon certaine, mais j’ai l’impression de trop manger ces derniers temps. J’essaie de manger tout ce que l’on met devant moi ! Je ne sais pas si je dois m’en réjouir ou pas, mais j’ai pris du poids ! Je suis reconnaissant à Dieu de pourvoir à nos besoins !

 Il fait plus chaud ici, à Okutama. Les magnolias sont en fleurs. Ceux qui ne sont pas en bonne santé et qui sont âgés se sentent mieux. Je suis soulagé d’être ici. C’est Dieu qui a pourvu, c’est sûr. Alléluia !

Je dois regarder au Grand Berger alors que les enfants vont à l’école, que les gens cherchent du travail et que les malades ont besoin d’être soignés. J’ai besoin de plus de sagesse et de force pour m’occuper de tous, 24h sur 24.

Nous avons quitté nos maisons sans pratiquement rien. N’oublions pas combien le Seigneur a été bon pour nous. Il nous a transportés sur Ses ailes, Il nous a protégés et Il nous a nourris. Je veux marcher avec Lui et L’adorer jusqu’au jour où Il mettra un terme à notre voyage.

Nous en sommes à notre quatrième étape depuis le premier refuge où il faisait froid et où nous avions peu d’intimité. A Okutama, c’est calme et il fait chaud, nous retournons à “la normalité” J’apprécie vos prières.

 

8 Avril : rapport n° 16

Cette première semaine ici a été un retour à une certaine normalité. A 7h les enfants prennent leur petit-déjeuner et partent à l’école avec les autres enfants alentour. Ils étaient un peu tendus le premier jour. Nous les avons pris en photos avant de les regarder partir. Ils avaient l’air si contents de porter les cartables que les gens d’ici leur ont donnés. Cela a ramené le sourire sur nos lèvres. C’était un peu comme si il n’y avait pas eu de désastre.

Il y avait entre 70 et 80 personnes à notre premier culte ici le dimanche 3 avril. Des membres de mon église qui ont trouvé refuge dans Tokyo sont venus assister au service avec leur famille. Cela m’a fait réaliser combien l’église est forte. Nous avons perdu notre bâtiment, tous nos documents, toutes nos archives, nos programmes…Les membres sont dispersés…Mais malgré tout, l’église a survécu. Même si nous sommes éparpillés, l’église ne meurt jamais.

 Pour être honnête, je dois dire que quand l’accident est survenu à la centrale nucléaire, après le tremblement de terre et le tsunami, j’ai pensé que l’histoire de notre mission se terminait là. Les villes étaient contaminées par la radioactivité et tout le monde avait disparu. J’ai pensé que notre église disparaissait d’une façon que nul n’aurait pu imaginer pendant ses 70 ans d’histoire. Tout en acceptant cette réalité, j’avais alors dû contenir de vives émotions. Puis j’avais aidé certains des membres de l’église à trouver du travail, demandé aux pasteurs d’autres églises de s’occuper de ceux qui allaient habiter près de chez eux et j’avais demandé aussi à d’autres églises de prendre soin de certains membres de mon équipe. C’était comme si mon ministère était terminé. Cependant, contre toute attente, les choses ont évolué dans une autre direction et mon église a survécu !

Je sais, par le Nouveau Testament, que l’Eglise Primitive a grandi au travers de la persécution et de la dispersion. Qui aurait pensé que dans le Japon d’aujourd’hui, des croyants ordinaires du Tohoku seraient arrachés à leur vie quotidienne et éparpillés ici et là ? Malgré cette situation, ils ont réussi à se reconnecter et à s’accrocher à l’existence, comme partie du Corps de Christ. Cela peut sembler exagéré, mais une église bien plus large semble avoir émergé pour nous soutenir, une église au-delà des frontières et des dénominations. Je me demande bien de qui est ce scénario !

Dimanche soir ma femme et moi discutions des nouvelles et solides relations que nous avions tissées récemment. Certes, nous avions déjà de bonnes relations dans l’église, mais maintenant nous savons qu’il y a un monde plus vaste que nous n’avions pratiquement encore jamais vu. Ceci est un autre des trésors apportés par le désastre.

 “ L’Eternel affermit les pas de l’homme et Il prend plaisir à sa voie. S’il tombe il n’est pas terrassé, car l’Eternel lui prend la main” ( psaume 37 : 23,24)

 

Nous avions eu une remise des prix pour les écoliers, à Yonezawa, un jour de neige. Cette semaine, nous avons eu une cérémonie d’entrée. Nous n’avions pas de vêtements chics à nous mettre pour l’occasion, mais l’ équipe du centre de retraite en a trouvés et nous avons pu les porter. Ce sera une des anecdotes que l’on pourra raconter dans le futur quand nous évoquerons notre séjour à Okutama !

Nous avons quelques problèmes sérieux. J’ai organisé une réunion pour ceux qui cherchent un travail et dix personnes se sont présentées. Les adolescents qui devaient entrer au lycée ou bien les jeunes qui préparaient l’examen d’entrée à l’université doivent prendre une décision. Ils se demandent s’ils doivent intégrer une école à une distance raisonnable d’Okutama ou suivre des cours par correspondance.

Le désastre a brisé beaucoup de connexions. J’espère que nos cœurs ne vont pas être brisés eux aussi. Je dois servir toutes ces personnes en tant que leur pasteur.

 Priez pour nous s’il vous plaît.

PS : Je suis allé à Kyoto cette semaine au mariage d’une personne de mon église. Elle a fini l’Ecole Biblique et épousé un pasteur. Elle a dit : “ A cause du désastre, je devrais plutôt porter un vêtement de deuil au lieu d’une robe de mariée !” Mon cœur a chaviré. Du premier étage de sa maison, elle avait vu les vagues passer par-dessus les barrières construites pour les arrêter et se diriger vers elle.

 

14 Avril : Rapport n° 17

Je suis rentré d’Osaka hier. J’ai regardé les cerisiers en fleurs à travers un écran de tristesse. Quelque chose en moi a changé depuis le désastre.

Hier nous avons reçu une triste nouvelle : un membre de mon église dont nous avions perdu le contact depuis le tremblement de terre, a été trouvé mort, emporté par le tsunami alors qu’il conduisait près de la plage. Des membres de mon équipe se sont rendus sur les lieux, demain ils auront un service commémoratif pour lui. Tout me parait endeuillé.

La semaine de la Passion approche et cela rend les choses encore plus tristes.

Pierre écrivait aux croyants qui étaient cachés dans des souterrains à cause de la persécution. Cette communauté a dû avoir des malades et aussi des morts à enterrer.

Dispersés, certains devaient être malades ou blessés. D’autres ont dû mourir et être enterrés alors qu’ils se déplaçaient d’un lieu à l‘autre.

 

Ceux qui étaient dans l’Arche de Noé sont restés plus d’un mois tous ensemble. Je pense à tout ce qui a dû leur arriver alors qu’ils devaient s’occuper de tous ces animaux.

 Dans notre vie d’évacués, nous avons établi une routine quotidienne, rythmée par le lever, le coucher et les repas. Cependant nous sommes tous blessés au plus profond de nous-mêmes. Des choses anodines peuvent causer des frictions. On pourrait appeler cela: “la normalisation de l’anormal” et c’est peut être ce qu’a expérimenté le peuple de Dieu, dans le désert, après la sortie d’Egypte.

Epaphras avait été envoyé par l’église de Philippe pour rendre visite à Paul en prison mais il est tombé malade à Rome et c’est Paul qui s’est occupé de lui. Nous marchons sur un chemin que d’autres ont pris avant nous.

Les premiers chrétiens faisaient des kilomètres et des kilomètres pour rendre visite aux croyants dispersés et pour évangéliser de nouveaux territoires. L’équipe qui a été envoyée à Fukushima pour les funérailles devra y rester 3 jours car le crématoire est saturé.

 Ils ont dit qu’ils rendaient visite aux membres de l’église. L’épreuve semble avoir resserrer nos liens.

“ Comme de l’eau fraîche pour une personne fatiguée, ainsi est une bonne nouvelle venant d’une terre lointaine” (Proverbes 25 : 25)

 

Dimanche prochain nous aurons une commémoration pour une précieuse sœur. Nous n’allons pas faire comme nous aurions fait d’habitude, nous aurons juste un autel funèbre “fait maison” et nous ferons nos adieux à notre chère sœur. Nous aurons aussi un baptême. J’avais suggéré le dimanche de Pâques, mais la personne voulait être baptisée le jour des Rameaux. Nous utiliserons la grande baignoire du centre de retraite et nous nous souviendrons de Jésus dans le Jourdain.

Rentrant d’Osaka j’ai senti que le centre de retraite d’Okutama était vraiment notre “Arche”! Bien que dans Tokyo, nous sommes entourés de collines boisées qui nous apportent la guérison du Créateur. Chaque jour nous sommes comblés par la bonté de notre Père Céleste et nous pouvons nous réjouir au milieu de la tristesse.

Lors de la cérémonie de baptême, il nous faudra nous rappeler l’espérance que Dieu nous donne à travers les souffrances de notre Seigneur. Nous attendrons avec impatience de célébrer Pâques. Nous sommes faibles mais cependant forts. Nous n’avons rien mais cependant on nous a tout donné. Alléluia !

 

 

17 avril : Rapport n° 18

La semaine dernière nous avons dû appeler l’ambulance presque tous les jours pour emmener à l’hôpital des membres de notre église et certains ont dû être hospitalisés. Il semble que la fatigue ait fait son apparition. Bien que nous ayons chacun notre propre chambre, nous vivons quand même en communauté étroite et ce n’est pas comme vivre chez soi. Nous avons des visiteurs et le temps passe vite.

 Nous recevons des informations concernant Fukushima, mais nous avons déjà assez à nous occuper de ce qui est juste devant nous.

Ce matin, un jeune couple est allé s’installer dans un nouvel appartement près de l’endroit où ils ont trouvé un travail. Un autre couple doit partir cette semaine. Ils vont certainement rester dans ces nouveaux lieux de vie, mettant ainsi un terme à notre vie commune en tant qu’église. Ils vont me manquer, mais je veux célébrer leur nouveau départ. Deux autres couples et une personne célibataire sont venus s’installer avec nous la semaine dernière et nous attendons deux autres couples cette semaine !

 Tout comme le cœur continue de battre, ce groupe continue d’avancer à travers les épreuves et la souffrance.

Pendant le culte, aujourd’hui, nous avons évoqué le souvenir d’une sœur qui a été emportée par le tsunami et a rejoint le Seigneur. Nous avons eu aussi un baptême.

J’ai parlé de l’hymne : “ Il y a une lumière sur la croix”, composé après le grand tremblement de terre de Tokyo (1er septembre 1923) par le missionnaire JV Martin. Il avait écrit ce chant alors qu’il regardait les survivants se rassembler sur le campus de “Meiji Gakuin”:

 “Peuples qui vivez dans des pays éloignés et au-delà des mers, regardez !

La croix, du Seigneur, qui ne change jamais et qui réconforte, brille de mille feux

Il vous réconforte, Il me réconforte.

Plantée sur le sol qui tremble, la croix continue de briller.

Les eaux débordent, des feux brûlent. La mort étend sa main et attend…

La croix du Seigneur…( vers 2)

Si vous regardez à elle, vous n’aurez pas peur. Plus de chagrin, le péché disparaît…

La croix du Seigneur…”

JV Martin observait la scène à la nuit tombante. Des moustiquaires et des bougies étaient distribuées. Alors que les bougies s’allumaient, leur petite flamme vacillante lui paraissait former une croix qui perçait les ténèbres de la nuit et le désespoir des gens. Des incendies, causés par le tremblement de terre avaient ravagé la ville. Pour y échapper, beaucoup de gens s’étaient jetés dans les rivières et les étangs mais ils y avaient trouvé la mort. Il faisait encore chaud ce 1er septembre. Tout comme dans Tokyo après la fin de la guerre, Martin a vu la croix de Jésus formée par les bougies allumées.

Pendant la semaine de La Passion, nous avons médité sur la croix de Jésus comme Martin l’avait fait, pour y puiser réconfort et espérance.

Une sœur nous a raconté qu’alors qu’elle priait toute seule dans un refuge où elle se sentait très stressée, une amie chrétienne, d’une autre église, était venue lui rendre visite. Cette personne avait eu de nos nouvelles sur le site de notre église.

Une autre sœur avait rencontré des chrétiens dans un hôpital où son mari était hospitalisé. Un pasteur qu’elle voyait pour la première fois avait prié pour elle dans la chambre d’hôpital. C’était comme si Dieu nous entourait de sa bonté. Certains d’entre nous se sentent unis aux autres, comme des brebis au bercail, d’autres se sentent seuls. Mais la croix de Jésus continue de répandre sa lumière sur chacun pendant ce périple lointain.

Est-ce que c’est ce que l’on a à gagner, en perdant ? En perdant beaucoup, nous nous tournons davantage vers Jésus et nous prenons davantage conscience du lien qui unit les membres de l’église.

Durant le service nous avons chanté un autre hymne en pensant à notre sœur emportée par le tsunami à l’âge de 50 ans. Voici ce chant :

 “ Rassemblons-nous à la rivière, là où l’Ange de Lumière a posé les pieds.

Avec ses flots de cristal qui coulent pour toujours du trône de Dieu

Oui, rassemblons-nous à la rivière!

La très belle, la magnifique rivière.

Rassemblés avec tous les saints à la rivière qui sort du trône de Dieu.

Sur les bords de la rivière, aspergés par ses embruns d’argent,

Nous parlerons et adorerons tout le long de ce jour merveilleux.

Oui, rassemblons-nous…

Avant d’atteindre la rivière resplendissante,

Déposons tous nos fardeaux,

La Grâce délivrera notre esprit et nous donnera une robe et une couronne.

Oui rassemblons-nous…

A la rivière souriante, reflet du visage de Dieu ,

Les saints, que la mort n’interrompra jamais,

Font monter leurs chants de Salut par la Grâce.

Bientôt nous rejoindrons la rivière argentée,

Bientôt notre pèlerinage prendra fin

Bientôt nos cœurs joyeux frémiront à la mélodie de paix.

Oui, rassemblons-nous…”.

C’est une scène inspirée par la description du Royaume des Cieux dans Apocalypse 22.

 Il est écrit qu’un fleuve d’eau de la vie, limpide comme du cristal sort du trône de Dieu et que sur les deux bords du fleuve il y a un arbre de vie qui porte des fruits en abondance et dont les feuilles servent à la guérison des nations. Cela me rappelle le verset 4 du chapitre 21 qui dit : “Il essuiera toute larme de leurs yeux et la mort ne sera plus, il n’y aura plus ni deuil, ni cri, ni douleur, car les premières choses ont disparu.”

Je pense à notre chère sœur qui a été transportée jusqu’à la rivière de vie au paradis.

Comme elle a dû avoir peur devant le tsunami ! Elle aimait sa famille, travaillait dur, servait fidèlement à l’église et priait quelquefois en pleurant. Je crois qu’elle a été transportée au paradis, et non juste emportée par le tsunami. Alors chantons nos louanges, savourant chaque mot.

 

26 avril : rapport n° 19

On peut dire je crois que mes exigences en matière de bonheur sont moins nombreuses.

Quand nous étions dans la grande salle, j’étais reconnaissant juste d’avoir un matelas sur lequel m’allonger et quelqu’un qui dorme à côte de moi. Puis quand on nous a donné des conserves ou des plats chauds, j’en ai été très ému. Je suis reconnaissant simplement d’être en vie. J’avais l’habitude de conduire souvent sur la route 6, le long de la plage de Fukushima et aussi sur une autre route qui conduit à l’aéroport de Sendai. J’aurais très bien pu être en train de conduire sur l’une de ces deux routes le 11 mars. J’aurais très bien pu me retrouver isolé à l’aéroport de Sendai. Mais j’ai été gardé sain et sauf.

La semaine dernière, ma femme et moi avons rendu visite à d’autres membres de notre église dispersés dans divers endroits. Dans une des maisons, nous étions assis sur les tatamis, les pieds dans le kotatsu (table chauffante recouverte d’une couette) et nous regardions la télévision. Nous y avons pris notre petit déjeuner en lisant le journal. Cela faisait six mois que je ne m’ étais pas détendu comme ça, faisant des choses tout à fait ordinaires, les choses de la vie de tous les jours. Comme le thé et la soupe de miso étaient bons ! Loin de notre groupe de Tokyo, nous avons savouré ce morceau de bonheur !

Nous avons pu aller dans la zone d’exclusion pour la première fois depuis le désastre et récupérer à l’église quelques documents importants. Nous nous sentions nerveux, revêtus d’une combinaison de protection et d’un masque suffocant. Les cerisiers étaient en fleurs, je ne les avais jamais vus aussi beaux!

 Un chien couché sur la route ne voulait pas nous céder le passage et les vaches nous regardaient comme si elles ne s’attendaient pas à voir des humains !

Un membre de l’église qui travaille à la centrale nucléaire nous a dit qu’une fois, il avait vu 18 vaches qui broutaient sur le terrain de l’église. Je me demande si le propriétaire juste à côté les a mises en liberté pour qu’elles puissent survivre par elles-mêmes. Je n’aurais jamais pensé que cela arriverait, mais enfin elles sont peut-être utiles pour la protection de notre église ! Quand nous sommes arrivés, elles étaient là, en train de brouter l’herbe, comme si de rien n’était, nous regardant par moments comme pour nous dire : “Bienvenue, contentes de vous revoir !”

Les cerisiers fleurissent, que les gens soient là pour les regarder ou non. Peut-être préfèrent-ils même ce silence aux pique-niques bruyants sous leurs branches fleuries.

Les animaux semblent aussi apprécier leur liberté sans humains ni voitures en vue.

Une invraisemblable pensée m’a traversé l’esprit : les gens sont désolés pour les cerisiers en fleurs car il n’y a personne pour les regarder. C’est de l’arrogance, les cerisiers sont là indépendamment de la présence des hommes et c’est à cause de leur arrogance que Dieu les a chassés.

Cela vient-il de mon imagination ou bien est-ce une vision ? Est-ce une nouvelle Tour de Babel ou Sodome et Gomorrhe ? Je préférerais y voir un monde qui a besoin d’être sauvé par Jésus.

“ Puis un rameau sortira du tronc d’Isaïe et un rejeton naîtra de ses racines.

L’Esprit de l’Eternel reposera sur lui : Esprit de sagesse et d’intelligence,

Esprit de conseil et de force, Esprit de connaissance et de crainte de l’Eternel.

Il respirera la crainte de l’Eternel; Il ne jugera point sur l’apparence,

Il ne se prononcera point sur un ouï-dire. Mais il jugera les pauvres avec équité,

et il prononcera avec droiture un jugement sur les pauvres de la terre.

Il frappera la terre de sa parole comme d’une verge,

et du souffle de ses lèvres, il fera mourir le méchant.

La justice sera la ceinture de ses flancs, et la fidélité la ceinture de ses reins.

Le loup habitera avec l’agneau, et la panthère se couchera avec le chevreau;

Le veau, le lionceau et le bétail qu’on engraisse seront ensemble

Et un petit enfant les conduira.

La vache et l’ourse auront un même pâturage, leurs petits un même gîte;

Et le lion, comme le bœuf, mangera de la paille.

Le nourrisson s’ébattra sur l’antre de la vipère,

et l’enfant sevré mettra sa main dans la caverne du basilic.

Il ne se fera ni tort ni dommage sur toute la montagne sainte;

Car la terre sera remplie de la connaissance de l’Eternel,

Comme le fond de la mer par les eaux qui le couvrent.”

(Esaïe 11 : 1 à 9)

 Le Seigneur Jésus est venu sur terre en tant que descendant de David de la “souche” de Jesse et il est dit qu’un jour Il jugera ce monde et régnera comme roi de tous les hommes. Et alors un nouveau monde apparaîtra. L’agneau vivra avec le loup sans être attaqué ou blessé par lui. Le léopard vivra paisiblement avec la chèvre. Le lion et le veau seront ensemble et suivront un petit enfant. Personne n’a jamais vu ou entendu quelque chose de pareil ! Le lion devenu végétarien ! La vache et l’ourse broutant de l’herbe ensemble ! Le nourrisson jouera au-dessus de l’antre du cobra et le jeune enfant mettra sa main dans le nid de la vipère! Quel incroyable spectacle !

 

Cela sera ainsi parce que ce sera un nouveau monde ! Un monde où “il ne se fera ni tort ni dommage sur toute la montagne sainte car la terre sera remplie de la connaissance de l’Eternel comme le fond de la mer par les eaux qui le couvrent.” J’aimerais voir cela se réaliser. L’homme est-il devenu trop sûr de lui et a-t-il dépassé les limites autorisées?

Revêtu de ma combinaison protectrice, je me demande laquelle des deux situations doit être : que l’homme règne sur ce monde et l’assujettisse ou bien que les plantes et les animaux soient laissés livrés à eux-mêmes ?

Le monde que nous les hommes avions construit par nous-mêmes, a été détruit comme un château de sable.

Les plantes, les animaux et les hommes vivent aux côtés des uns des autres. J’imagine que cela pourrait être le début d’un nouveau monde.

 C’est peut-être ma combinaison protectrice qui me donne de penser à tout cela !

 

A part l’histoire des 18 vaches qui surveillent mon église et celle du chien qui n’a pas livré passage à la voiture, j’ai entendu une histoire à propos d’un chat. Quelqu’un est retourné chez lui inquiet pour son chat mais quand il a ouvert la porte le chat a bondi dehors, il était en pleine forme : il s’était nourri de ce qu’il avait trouvé dans le frigo !

Une autre personne pensait que son chien avait dû mourir de faim car elle l’avait laissé attaché à sa niche. Elle l’a trouvé dans une maison du voisinage, il avait survécu grâce à ce qu’il y avait trouvé à manger !

 

On m’a parlé des gens qui sont restés dans la région de la centrale. Certains d’entre eux n’ont pas peur de la radioactivité. Ils continuent d’étendre leur linge dehors, entretiennent leurs champs et sèment des graines !

Encouragés par des gens comme ça, par les cerisiers en fleurs et par les vaches de notre ville nous devons vivre avec courage et être aussi flexibles que l’osier.

 Mais ce qui est le plus encourageant, c’est que le Seigneur est derrière tout cela.

 

“Le Seigneur affermit les pas de l’homme qui prend plaisir en Lui, s’il tombe, il n’est pas terrassé car l’Eternel lui prend la main “ ( Psaume 37 : 23-24)

 

Seigneur façonne-nous et purifie-nous selon ta volonté. Aide-nous à devenir des chrétiens qui pourront dire tout naturellement :”Le reste n’a pas d’importance, puisque nous t’avons Jésus !”

J’apprécie vos prières et votre soutien.

 

 30 avril : rapport n° 20

Cette semaine un de nos frères a rejoint le Seigneur. Il y a eu la veillée mortuaire aujourd’hui à Fukushima et demain aura lieu la crémation. Après-demain, dimanche, pendant le culte, il y aura une commémoration.

Lundi, il y aura d’autres funérailles à Fukushima. Deux funérailles en un mois, c’est beaucoup trop.

Nous devons conduire des funérailles à la fois à Fukushima et à Tokyo mais que pouvons-nous y faire ? Le pasteur adjoint et un membre de l’équipe y sont allés hier, moi j’irai la semaine prochaine. Un de nous deux doit rester ici avec l’église.

 Nous n’avons pas de tenue appropriée, nous irons avec nos vêtements ordinaires.

C’est dur de diriger les funérailles d’un frère juste après celles de notre sœur décédée à l’âge de 50 ans. J’aimerais que nous puissions tous rentrer chez nous et louer le Seigneur à nouveau tous ensemble. C’est très triste de voir partir les membres de notre église les uns après les autres, à cette étape de notre parcours.

Ce frère qui vient de décéder avait eu un cancer de l’estomac à l’âge de 30 ans. On lui avait enlevé l’estomac. Il est décédé à l’âge de 54 ans après avoir été hospitalisé plusieurs fois et avoir traversé le désastre. Il aimait louer le Seigneur. Il faisait la traduction simultanée de mes sermons et tout le monde s’accordait à dire que c’était le don qu’il avait reçu de Dieu. Comme il a dû se sentir seul à l’hôpital quand toute sa famille a dû quitter la région après la catastrophe nucléaire ! L’hôpital où il était s’est trouvé à court de médicaments et de réserves. J’imagine combien il devait être anxieux.

Nous sommes allés lui rendre visite mais pas aussi souvent que nous l’aurions voulu à cause de la distance entre Tokyo et Fukushima. Quand je l’ai quitté la dernière fois, il m’a serré la main très très fort et ne voulait plus la lâcher.

Sa lutte contre la maladie a pris fin. Je pense que le Seigneur a trouvé bon de le prendre avec lui dans Sa maison au paradis, pour Pâques. Il avait un tube dans la gorge et ne pouvait pas parler mais il avait pu écrire : ” La Résurrection. J’ai une mission.”

Moïse a vécu 120 ans. Il a vu la terre promise du haut du Mt Nebo, mais il est mort sans y être entré. Je suppose qu’il était désolé de ne pouvoir y entrer mais c’était le Plan de Dieu pour lui. Il est mort, passant le relais à Josué. Nos vies sont entre les mains de Dieu. La vie de chacun est comme un voyage. La seule chose que nous pouvons faire est de parcourir le chemin que Dieu a préparé pour nous. A la fin nous devons passer le relais et partir pour le paradis.

Cette semaine Pâques sera célébrée dans le monde entier.

 Que ces funérailles et tous les autres services soient remplis d’espoir, malgré notre vie de refugiés et…. nos vêtements ordinaires ! Seigneur guide-nous !

 

5 mai ( Fête des enfants) : rapport n° 21

Je suis en route pour Okinawa où on m’a demandé de venir parler de ma vie d’évacué.

Il y a deux jours une autre personne de notre église a rejoint le Seigneur. Cela a dû être très dur pour cette femme âgée d’être évacuée en dépit de sa maladie et de fractures. Je ne peux m’empêcher de penser: “ et si …” tout en comprenant très bien qu’il ne peut y avoir de “ si…” dans la vie chrétienne. Je n’aurais jamais imaginé devoir faire, en deux mois, un dernier adieu à trois membres de mon église.

Je suis bien conscient que les pensées de Dieu sont bien au-delà des nôtres. Beaucoup de monde a assisté aux funérailles de notre frère cette semaine. 60 membres de l’église, venus de différents centres de refuge, ont assisté à la veillée et aux funérailles. C’était comme si notre frère, par sa mort, avait rassemblé tous ceux qui étaient dispersés depuis un mois et demi. Ce frère et sa famille voulaient qu’aux funérailles, l’Evangile soit proclamé à sa classe d’étudiants, à ses collègues et au reste de la famille.

Les funérailles étaient comme un meeting d’évangélisation auquel assistaient beaucoup de personnes dont les cœurs avaient été ébranlés par la catastrophe.

“C’est par la foi qu’Abel parle encore, quoique mort” ( Hébreux 11:4)

Ainsi la foi de notre frère a été transmise à travers sa vie : il parlait aux autres du Sauveur Jésus et de l’espérance du paradis.

Le mois dernier, nous avons eu deux funérailles mais aussi deux baptêmes. Ce mois-ci, six autres personnes vont se faire baptiser. Le baptême d’une de nos sœurs, le mois dernier, aurait dû avoir lieu le 13 mars, (2 jours après le désastre).

Comme les habitants étaient évacués, elle m’avait téléphoné pour savoir si le baptême aurait lieu quand même! Ici, au centre de retraite, elle voulait se faire baptiser dans la rivière qui coule tout près. J’avais dit alors au pasteur adjoint, que si c’était le cas, qu’il le fasse à ma place car l’eau de la rivière était trop froide pour moi ! Je souris à cette pensée. Au beau milieu de l’épreuve et avec nos cœurs lourds, les toutes petites choses qui nous font sourire semblent s‘être multipliées. Je dois rechercher désespérément ces petites choses.

Finalement notre sœur a été baptisée dans la baignoire du centre de retraite.

Nous sommes une église baptiste qui pratique le baptême par immersion et comme cette baignoire est basse, nous devions trouver comment nous allions procéder.

Nous avons fait des essais, nous demandant s’il valait mieux l’immerger, allongée sur le dos ou sur le ventre! Certaines personnes n’aiment pas l’eau mais elle, si ! Le jour du baptême, elle s’est allongée dans l’eau sur le ventre, la tête sous l’eau. J’attendais en vain qu’elle ressorte la tête ! Il me semble qu’elle voulait savourer ce moment et rattraper le temps perdu ! Comme ca durait trop longtemps, j’ai dû lui relever la tête !

 Je n’avais jamais conduit un tel baptême avant ! Le désastre nous amène à faire de nouvelles expériences !

Je suis en train d’écrire cela dans l’avion pour Okinawa. Dans le monorail qui longe la mer jusqu’à l’aéroport de Haneda, j’ai pensé : ” S’il y a un tremblement de terre maintenant suivi d’un tsunami, je suis mort.”

C’est bien d’être baptisé maintenant, au lieu d’en repousser le moment. Je vois vraiment la main de Dieu à l’œuvre à travers tous ces gens qui ont répondu à Son appel et se font baptiser maintenant malgré les circonstances. A tous ceux d’entre nous qui avons eu à faire tant d’adieux, ces nouvelles naissances apportent beaucoup de joie. Je ne dois pas repousser les baptêmes à cause de la radioactivité ou de l’eau froide, je dois juste suivre le Seigneur.

Pour finir, quelques problèmes sans importance : J’ai trouvé plusieurs cartes de fidélité dans mon portefeuille. Je regrette de ne pas les avoir utilisées quand je le pouvais, pour accumuler plus de points ou pour recevoir un cadeauLes boutiques qui m’ont délivré ces cartes n’existent plus…Cela me fait penser à d’autres choses regrettables : nous venions juste de faire des travaux dans la maison. Le chauffe-eau avait été remplacé et nous avions acheté une télé grand écran. J’ai commencé à regretter d’avoir fait ces achats …La femme de Lot s’était retournée pour voir tout ce qu’elle laissait derrière et a été transformée en statue de sel…C’est une bonne leçon pour moi.

Je vais voir les frères et sœurs d’Okinawa qui ont prié pour nous et nous ont soutenus dès le début. Je veux leur transmettre les remerciements de mon église.

Excusez-moi, je vous en prie, je ne peux aller rendre visite à tous ceux qui nous soutiennent. Je vous remercie tous pour vos prières et votre soutien.

 

11 mai : rapport n° 22

Je suis très reconnaissant à toutes les nombreuses personnes qui ont assisté au meeting d’Okinawa, ainsi qu’à celui de Tokyo.

L’autre jour, j’ai été interviewé par un journal sportif. Depuis le désastre, je ne suis plus les informations à la télé ou dans le journal, mais je suis conscient malgré tout que la centrale nucléaire de Fukushima fait la une. Je ne sais si c’est pour cette raison ou bien parce que la situation de mon église est unique mais beaucoup de gens s’intéressent à nous et marchent à nos côtés. J’en suis très reconnaissant.

 

Après le grand tremblement de terre de Kobe, certaines victimes ont retrouvé l’énergie de vivre en avançant sur le chemin du rétablissement et de la reconstruction.

 D’autres, par contre, sont devenus de plus en plus dépressifs et l’écart entre ces deux groupes s’est agrandi avec le temps. Il me semble que nous appartenons à ce second groupe. Nous ne pouvons pas retourner chez nous pour déblayer les décombres ou remettre en ordre nos maisons, et personne ne sait combien de temps cette situation va durer.

Nous avons l’impression quelquefois que nous sommes les seuls à être dans la même situation depuis le 11 mars. Cela nous rend tristes et dépressifs. Cependant nous sommes encouragés de savoir que les gens ne nous oublient pas et que nous ne sommes pas seuls.

Si nous ne pouvons jamais retourner chez nous, nous pourrons toujours bâtir une communauté comme les Amish ou les pionniers, en Hokkaido !

 Avant le désastre, notre église allait faire la demande pour devenir une association à but non lucratif dans l’espoir d’ouvrir un jour, un centre d’accueil pour les personnes âgées. Nous pourrions acheter un terrain et y faire construire un établissement. Les membres de notre église obtiendraient les qualifications nécessaires et y travailleraient. Nous construirions aussi un immeuble où nous vivrions tous ensemble…C’est le genre de pensées qui me sont venues à l’esprit.

La vie dans le centre de retraite d’Okutama est actuellement une vie communautaire où jeunes et moins jeunes vivent ensemble.

Un frère que j’avais rencontré aux funérailles à Fukushima m’a dit :” Pasteur vous n’allez pas vous installer définitivement là-bas, n’est-ce pas ?” C’est vrai que cela ne fait que deux mois que la catastrophe a eu lieu, il est encore trop tôt pour renoncer à retourner chez nous!

Comme les captifs revenus adorer à Jérusalem (Psaume 126), notre Sion à nous, c’est notre région d’origine, là où est notre église ! Nous devrions être dans l’attente du jour où tous ceux qui sont actuellement dispersés dans tout le Japon reviendront avec des larmes de joie et des cœurs reconnaissants. Cette pensée m’a encouragé et remis à la place où je dois me tenir.

 

Psaume 126 :

”Quand l’Eternel ramena les captifs de Sion, nous étions comme ceux qui font un rêve,

Alors notre bouche était remplie de cris de joie, et notre langue de chants d’allégresse;

Alors on disait parmi les nations : l’Eternel a fait pour eux de grandes choses!

L’Eternel a fait pour nous de grandes choses, nous sommes dans la joie.

Eternel, ramène nos captifs, comme des ruisseaux dans le midi !

Ceux qui sèment avec des larmes moissonneront avec des chants d’allégresse.

Celui qui marche en pleurant, quand il porte la semence, revient avec allégresse quand il porte ses gerbes”.

PS : ( 16 mai)

La semaine dernière j’ai dirigé les quatrièmes funérailles depuis le désastre. C’est beaucoup trop !

Hier six personnes se sont fait baptiser. Alléluia !

 

16 mai: rapport n° 23 (dans le Shinkansen, le train à grande vitesse, région du Tohoku)

Si l’Arche de Noé ou la dispersion des premiers chrétiens avaient lieu maintenant, ils auraient l’internet ! J’ai entendu l’histoire d’un Japonais habitant en Europe qui avait reçu un texto de ses parents bloqués sous les décombres de leur maison après le tremblement de terre. Cet homme a demandé de l’aide par internet, beaucoup de Japonais ont lu son message, ce qui a conduit au sauvetage de ses parents.

Ce genre de choses est arrivé aussi à notre église. Le pasteur adjoint, après le tremblement de terre, a envoyé quotidiennement, par internet, des messages bibliques du jour et en retour, nous avons été informés de qui était sain et sauf et de qui était dans tel ou tel refuge. Ainsi, juste après le tremblement de terre, grâce à notre site internet, nous avons pu avoir des nouvelles de tous les membres rescapés. Les membres de l’église étaient tous dispersés mais à travers ces pages web, nous étions comme réunis. Nous n’aurions jamais cru que les informations contenues dans nos pages web allaient se répandre ainsi. La vitesse et l’amplitude avec lesquelles elles se sont répandues dépassent nos espoirs. Notre site a été lu au-delà des frontières (il a été traduit en d’autres langues ) avec un record de plus de 200 000 visiteurs par jour !

Je suis extrêmement reconnaissant pour cela. Nous ne sommes pas seuls. Nous avons été touchés par un désastre inattendu, mais nous n’avons jamais été seuls dans notre bataille. Nous ne sommes pas oubliés. Beaucoup ont le regard sur nous et nous soutiennent. Nous sommes conscients de tous ces yeux vigilants qui nous ont entourés, encouragés et fortifiés. Je voudrais remercier chacun. C’est comme un second tsunami après celui qui a tout détruit.

Un de nos membres est venu au culte cette semaine après deux mois d’absence. Il est allé dans une église de son nouveau voisinage et quelqu’un qu’il rencontrait pour la première fois lui a demandé comment allait sa jambe blessée ! C’est incroyable, quelqu’un avait lu son histoire et prié pour lui! C’est comme si maintenant, nous étions connus du monde entier !

Un couple d’américains chrétiens est venu assister au culte hier. C’était la première fois qu’ils venaient dans une église japonaise et la première fois aussi qu’ils rencontraient des chrétiens japonais. Ils nous ont dit qu’après la catastrophe, beaucoup de gens aux USA ont commencé à visiter notre site et à regarder nos vidéos même si la plupart ne comprenaient pas le japonais ! Comme je me suis senti reconnaissant !

Je leur ai demandé pourquoi et ils m’ont répondu qu’aux informations, on n’entendait parler ni d’églises détruites, ni de chrétiens parmi les victimes. Ils ont pensé alors que c’était certainement le cas, dû au fait que les chrétiens au Japon ne représentent que 1% de la population. Quelle a été leur surprise quand ils ont trouvé notre site internet et qu’ils ont appris que toute une église avait du être évacuée de la ville où elle se trouvait et donnait des nouvelles de sa lutte quotidienne.

Ce fut à mon tour d’être surpris !

Mon premier rapport écrit sur le site de l’église était une demande de prière urgente adressée au président de l’assemblée auquel appartient mon église. Quand la catastrophe a eu lieu, ma femme et moi étions loin de chez nous et je demandais que l’on prie pour que je puisse revoir très rapidement les membres de mon église. Ce mail a été posté sur Facebook et puis diffusé au-delà, il a été lu aussi bien par des chrétiens que des non-chrétiens. J’ai eu surprise après surprise depuis le désastre mais cela continue de me surprendre.

Pour changer de sujet, notre précieux petit chien a été lui aussi affecté par la catastrophe. C’est un chien papillon qui a 14 ans, qui pèse 2,7 kg et a un peu de cataracte ! Il est du voyage lui aussi ! J’ai envie de lui dire : “ Bravo !” (et aussi, “Je suis désolé, je ne m’occupe pas bien de toi !”)

 

Il est avec nous depuis longtemps : il a vu nos enfants finir leurs études, se marier et maintenant il voit nos petits-enfants. Il devait s’attendre à finir ses jours tranquillement mais il y a eu la catastrophe et il a voyagé avec nous depuis. Je me demande ce qu’il a bien pu ressentir ces deux derniers mois !

Il vient de la région de Shizuoka, mais a été élevé dans le Tohoku dont il a hérité le tempérament persévérant. Quoi que ce soit que je lui demande, il répond toujours par :”ouah ! ouah !” Si c’est sa réponse dans tous les cas, alors il est un meilleur être que moi !

Peut-être se demande-t-il : “ Combien de temps encore dois-je rester loin de la maison ?”. Ou bien : ”Mais pourquoi on ne rentre pas chez nous ?”

 Quoi qu’il en soit, il a été avec nous tous les jours et cela suffit. Je ne sais pas ce qu’il a pu penser ou comprendre, mais il a certainement un stress considérable. Nous sommes dans le même bateau, supportant tout sans trop savoir comment nous en sommes arrivés là !

 

 Et notre Père Céleste que nous voyons derrière tout cela nous dit-il à nous aussi: “ Très bien, vous passez bien à travers les épreuves” !?

 

 Dimanche 22 mai (en vol entre Fukuoka et Haneda) rapport n° 24

Nous sommes dans une course de persévérance. Personne d’entre nous n’avait imaginé que notre vie en tant qu’évacués durerait aussi longtemps ! Nous avons quitté les centres de refuge pour venir dans un endroit où nous pourrions rester plus longtemps.

Mais ce n’est pas cependant une vie “normale”. Notre voyage vers la “normalité” se poursuit. C’est une course d’endurance, j’aurais aimé qu’elle s’achève il y a deux semaines. Beaucoup de visiteurs me disent de prendre le temps de me reposer. Ai-je l’air si fatigué ? Nous devons faire attention à ne pas être complètement “à plat” mais nous n’avons pas d’endroit où nous relaxer. Il arrivait avant que des gens viennent nous rendre visite très tôt le matin mais c’est une toute autre histoire quand c’est quotidien. Jusqu’à quand cette vie anormale va-t-elle durer ?

 Nous puisons notre espoir dans la Genèse et l’Apocalypse, car on peut y voir que tout a un début mais aussi une fin ! Notre voyage doit donc avoir une fin. Dieu est éternel mais le monde qu’Il a créé a un commencement et une fin. Nous avançons vers la fin que Dieu a déterminée pour nous.

Cela fait deux mois et demi maintenant que notre voyage a commencé, de façon si brutale et le temps est venu de “changer de vitesse”. Chaque famille doit sortir du mode de survie qui consistait à satisfaire les besoins élémentaires. Il ne s’agit plus d’un sprint mais d’un marathon. Nous devons “changer de vitesse” dans nos cœurs.

Après la sortie d’Egypte, Moïse et les Israéliens ont dû “changer de vitesse” en entrant dans un exode qui a duré 40 ans ! Je ne dis pas que notre voyage va aussi durer 40 ans mais c’est sûr, il ne va pas s’achever tout de suite !

Les Israéliens réclamaient des oignons et de l’ail. Leur vie en Egypte leur manquait.

Ils ont dû avoir énormément de stress alors qu’ils s’échappaient d’Egypte et plus tard avec tout ce qui s’est passé dans leur communauté.

Tout comme le disent les versets ci-dessous, nous avons besoin d’une persévérance et d’une sagesse hors du commun. S’il vous plaît, priez le Seigneur qu’Il nous les accorde.

“Car vous avez besoin de persévérance, afin qu’après avoir accompli la volonté de Dieu, vous obteniez ce qui vous est promis.”(Hébreux 10 :36)

“Mais il faut que la patience accomplisse parfaitement son œuvre afin que vous soyez parfaits et accomplis, sans faillir en rien “ ( Jacques 1 : 4)

CRASH (Christian Relief, Assistance, Support and Hope) est une organisation humanitaire chrétienne. CRASH JAPON est intervenu dans les régions touchées par le désastre. Nos vies ont été “crashed” (écrasées) le 11 mars quand elles ont été soudainement interrompues. Seigneur, viens à notre secours, que nos cœurs ne “ crash” (s’écrasent) pas eux aussi !

 

30 mars : Rapport n° 25 (Dans le train à grande vitesse vers Kyoto)

Hier, j’ai rencontré un couple de mon église que je n’avais pas revu depuis deux mois et demi. Ils m’ont dit que chaque matin, quand ils se réveillent, ils se demandent s’ils ne sont pas en train de rêver. Moi aussi, je me demande quelquefois si un rêve peut durer aussi longtemps ! Qui aurait pu imaginer que 70 000 personnes allaient être chassées de chez elles ? Ou que plus de 20 000 personnes vivant dans un périmètre de 20 a 30 km de la centrale nucléaire de Fukushima seraient obligées de vivre comme des refugiés et nous compris.

Pendant mon sermon du 6 mars, 5 jours avant le désastre, j’avais dit que si un tremblement de terre comme celui de Nouvelle Zélande, venait à frapper la région du Tohoku, il lui faudrait un an ou deux pour se remettre. Je ne me souvenais pas avoir dit cela, c’est ma fille qui l’a remarqué récemment en écoutant l’enregistrement de ce sermon. Ce qui plus étonnant c’est que mon livre : “Dieu est à l’œuvre dans les bons comme dans les mauvais moments” ait été publié juste après la catastrophe. Je l’avais écrit bien avant le désastre. J’ai entendu dire que beaucoup l’avaient acheté à cause du titre. Le “ sous-titre “ de ce livre: “ Il œuvre au-delà de nos suppositions” semble même avoir eu encore plus d’effet.

En fait, c’est ce titre-là que je voulais mettre d’abord. Je dois dire que je vois la main de notre Grand Dieu dans tout cela. Tout comme dans ce rêve, dont je vous ai déjà parlé, que mon épouse avait fait à maintes reprises pendant plus de 20 ans, (où elle voyait tous les membres de notre église voyageant en bus.)

Notre nouvelle église a été construite en 2008 et est supposée tenir 100 ans ! Au début je n’étais pas très content, je me demandais pourquoi on devait quitter les anciens bâtiments alors que nous ne les avions utilisés que deux ans et demi. Maintenant, cependant, je comprends que c’était mieux qu’on soit dans le nouveau bâtiment que dans l’ancien au moment du tremblement de terre, l’ancien ne nous aurait pas protégés. Le projet de construction du nouveau bâtiment est né quand nous avons commencé à avoir des fuites d’eau, les jours de pluie. Cinq ans plus tard, nous avions notre nouveau bâtiment. Maintenant je commence à voir que Dieu nous préparait dans cette direction.

J’attends avec impatience le jour où toutes les énigmes seront résolues, les pièces du puzzle ayant été assemblées une par une jusqu’à la dernière. Je souhaite vraiment que ce jour soit proche et que tout ce poids que je ressens disparaisse. (Je devrais peut être mettre sur le compte du train express dans lequel je suis maintenant, cette précipitation dans mon cœur !)

Regardant les empreintes du doigt de Dieu, laissées ici et là, je dis à mon cœur que tout va bien. “Tout ira bien ». C’est notre slogan !

 

“Car ainsi a parlé le Seigneur, l’Eternel, le Saint d’Israël :

C’est dans la tranquillité et le repos que sera votre salut, C’est dans le calme et la confiance que sera votre force.” Esaïe 30:15

 

Mardi 7 juin ( dans le train rapide en provenance de Kakegawa) Rapport n° 26

Moïse est né en Egypte, il était juif mais a été miraculeusement adopté par la famille royale qui l’a éduqué. Il a vécu les 40 premières années de sa vie en Egypte puis a été exilé. Les 40 années suivantes, il les a vécues dans le désert. Finalement à la troisième étape de sa vie, il a conduit son peuple hors d’Egypte, de façon spectaculaire. Ce fut l’apogée de sa vie. Je me suis souvent demandé pourquoi Dieu ne l’avait pas laissé entrer dans la Terre promise à la fin de sa vie.

60 d’entre nous, avons dû quitter notre ville et voyager pendant trois mois. Je pense maintenant que ce périple est toute une histoire en soi.

L’énergie et la capacité données à chacun sont limitées. Un voyage doit s’achever quelque part. La tâche que Dieu donne à chacun ne peut être trop lourde. Moïse a conduit son peuple hors d’Egypte et son voyage s’est terminé là. Le reste de la mission, faire entrer le peuple dans la terre promise, l’installer et résoudre les problèmes, a été confié à quelqu’un d’autre. Moïse, du point de vue de Dieu, a accompli sa tâche les 40 dernières années de sa vie.

Nous sommes tous nés à un moment et dans un lieu précis. Nous accomplissons notre tâche et achevons notre voyage dans le contexte où nous sommes. Je me demande si tout cela, c’est ce que Dieu avait en réserve pour nous. Quand je me dis que Moïse en a fait largement assez dans sa vie, je sens les forces me revenir.

 Notre voyage est complet, il a bien assez d’histoires. Je veux qu’il s’achève.

“Quand il se terminera, Seigneur, aurons-nous encore assez de forces pour reconstruire notre église et notre ville ?”

Pendant la guerre de Corée, un pasteur d’une trentaine d’années avait quitté Pyongyang et la menace du nord et était parti vers le sud avec 100 croyants. En chemin, ils ont fait beaucoup de nouvelles rencontres mais aussi beaucoup d’adieux. Le pasteur n’a jamais revu beaucoup d’entre eux. Ce fut un voyage très dur, très rude.

Ils sont arrivés à Séoul et ce pasteur a dû chercher des logements et de la nourriture pour toutes ces personnes.

L’église qu’ils ont commencée là, a été largement bénie. Les épreuves sont devenues des bénédictions. Leurs nombreuses tribulations ont été comme des tremplins pour de nouveaux pas et ont produit des cœurs satisfaits et reconnaissants.

 

Je voudrais que nous arrêtions de nous plaindre et de penser négativement et que nous avancions.

 

En ce moment, je suis dans le train rapide. Un voyage a toujours un début et une fin.

Nous sommes simplement au milieu de notre voyage et nous dirigeons vers la fin de ce voyage. Le passé, le présent et le futur sont sur une seule et même voie ferrée. Nous ne nous en apercevons peut-être pas mais nous avançons. Quand nous ne pouvons pas descendre du train, nous ne devons pas bouger. Nous devons attendre avec espérance même si parfois nous sommes impatients.

Peut-être qu’un jour nous raconterons à nos petits-enfants ou à nos arrières petits-enfants cette histoire que nous avons vécue. Je me demande si quelqu’un aurait l’idée de faire un film avec cette scène en ouverture. Si cela arrivait un jour, nous ne devrions pas avoir honte d’en être les personnages. (Peut-être que l’effort à fournir pour paraître bien, peut aider à gagner en force intérieure !)

 L’Eternel dit à Samuel : “Quand cesseras-tu de pleurer sur Saul ? Je l’ai rejeté, afin qu’il ne règne plus sur Israël. Remplis ta corne d’huile et va, je t’enverrai chez Isaïe, Bethléhémite, car j’ai vu parmi ses fils, celui que je désire pour roi.” ( 1 Sam. 16:1)

 

18 juin (à Osaka) Rapport n° 27

J’ai entendu aux informations ce matin, que dans la zone contaminée, les iris avaient poussé à travers la boue et étaient en pleine floraison. Cela doit réconforter les victimes du désastre. Je me demande si nous aussi, nous émergerons de la boue et fleurirons à la fin de cette aventure. Quand nous ne pouvons pas nous débarrasser de la boue nous-mêmes, Dieu envoie des gens pour le faire pour nous.

Ceux de la région du Tohoku, nous-mêmes inclus, avons besoin de patience dans l’attente du printemps après ce long hiver. Je devrais être dans l’attente de ce jour où nous fleurirons, reconnaissant notre besoin des autres pour sortir de la boue.

Trois mois ont passé depuis la catastrophe et nous avons l’impression que c’est maintenant le plus dur. Quelqu’un m’a dit que c’était comme si on courait un marathon à toute vitesse. Le jour du désastre nous n’aurions pas survécu si nous n’étions pas allés à toute vitesse. Cependant on atteint vite ses limites si on continue à ce rythme. Combien de temps avons-nous couru à cette grande vitesse ? Sommes–nous passés à une vitesse inférieure ou sommes-nous toujours à la même vitesse?

Au début, nous pensions retourner chez nous au bout d’un mois ou deux. Nous ne pensions pas que cela allait devenir une course de fond.

Nous entendons toutes sortes d’informations. J’ai envie de voir à l’œuvre l’autorité de Jésus sur le lac quand il a commandé à la tempête de se calmer et que cela fut ainsi.

Dans son livre “What good is God ?”Philip Yancey, citant G.K. Chesterton, dit que le terme “ mère nature” n’est pas biblique.” La nature est notre sœur, pas notre mère. C’est une créature déchue comme nous, êtres humains. Dans Romains 8:22, Paul dit : “Or nous savons que, jusqu’à ce jour, la création toute entière soupire et souffre les douleurs de l’enfantement.” Nous vivons sur une planète déchue. Tout comme l’homme, la terre elle-même s’est éloignée de ce que Dieu avait conçu pour elle.

Etant japonais, j’ai utilisé souvent le terme “mère nature” sans trop réfléchir. Je n’ai jamais réellement pensé au fait que la nature soupire et attend la délivrance. Maintenant que j’ai fait l’expérience du tremblement de terre et que j’ai vu l’eau de mer noirâtre engloutissant et détruisant tout, je pense que la nature, à cause de la menace qu’elle représente, doit être mise sous le contrôle de quelqu’un.

Seigneur, vient sur ces terres qui ressemblent à un champ de bataille et ordonne :” Silence ! Tais-toi !” à la terre qui tremble toujours et au ciel au-dessus de nous, comme tu l’as fait sur la mer de Galilée.( Marc 4:39) Dis, à nous, qui sommes encore effrayés : ”C’est moi, n’ayez pas peur !” tout comme tu l’as dit à tes disciples.( Marc 6:50)

 

2 Juillet, rapport n° 28

Dans ce rapport no 28, au lieu d’écrire son journal, le pasteur Akira Sato a présenté le traité d’évangélisation qu’il a écrit à partir de son expérience, et qui va être publié.(note de la traductrice)

 

Du 25 juin au 5 juillet, rapport n° 29.

Ma petite-fille est née ce dimanche matin à 8h15, j’ai reçu la bonne nouvelle à Mito.

Elle s’appelle Mahiru (se prononce Mahilou) ce qui signifie “resplendissante lumière du jour “ et vient de Proverbes 4:18 : “Le sentier des justes est comme une lumière resplendissante dont l’éclat va croissant jusqu’au milieu du jour.” Ses parents espèrent que cette enfant égaiera tous ceux qui seront autour d’elle. Alors que nous souffrons toujours à cause du désastre, que cette enfant brille comme une lumière. C’est vraiment une grande nouvelle pour moi qui suis si souvent découragé ces jours-ci.

On m’a dit qu’un restaurant de ramens (nouilles chinoises) avait réouvert dans le sud de notre ville, qui ressemble actuellement à une ville fantôme. Je suppose que le propriétaire voulait être le premier à le faire.

 C’est une bonne nouvelle pour tous ceux qui sont dispersés dans tout le Japon, cela apporte de l’espoir au milieu de la tristesse. Je souhaite le meilleur à ce restaurant.

J’espère que beaucoup vont suivre son exemple et rouvrir boutiques et restaurants, encourageant à revenir tous ceux qui avaient perdu tout espoir de retour.

Notre ville sera à nouveau pleine de gens, les lumières se rallumeront, les voitures rouleront à nouveau. Est-ce un rêve impossible ?

Je veux garder espoir. Il y a quelques signes encourageants. Le niveau de la radioactivité dans l’air diminue jour après jour. Les routes principales sont rouvertes, autorisant la circulation de quelques véhicules. Bien que ce genre de nouvelles soit encore rare, cela nous redonne de l’espoir.

 

Jésus est né dans un temps de répression. La naissance de notre Sauveur a apporté la lumière dans le monde tel qu’il était alors et a été un grand encouragement et une grande espérance pour l’avenir. Etre sous la domination de Rome a dû être source de toutes sortes de désaccords entre ceux partisans et opposants de l’Empire romain.

 

L’économie stagnante devait désespérer les gens, résignés, qui désiraient certainement le départ des Romains. Cette situation se poursuivant, ils devaient être de plus en plus épuisés, à bout de force. Jésus est né dans une situation mondiale complexe, il était la Lumière qui brille au milieu des ténèbres.

 

Un bébé est né dans ma famille. Au beau milieu d’un monde inquiet, que le sourire de ce bébé apporte la lumière à tous ceux qui l’entourent..

 

Accueillons Jésus dans nos cœurs, recevons la lumière qu’Il nous donne et laissons-le nous conduire vers ce monde qu’il nous a promis.

 

Rapport n° 30 19 Juillet (à bord du vol Delta, quelque part au dessus du Pacifique)

Je suis arrivé aux USA le 11 Juillet et j’ai tenu neuf réunions dans différentes églises à Atlanta et à Los Angeles, devant des japonais, des japonais émigrés et des américains.

Une des raisons de ce voyage était d’étudier les possibilités d’une éventuelle publication de mon livre en anglais.

En rencontrant tant de gens durant ce 1er grand voyage depuis le 11 mars, j’ai découvert à quel point notre site internet était visité.

 

 Quand le désastre est arrivé et que nous avons dû prendre la décision de quitter notre maison, j’avais l’impression de tâtonner dans le noir. Je me suis senti très seul. La peur m’a submergé, englouti comme l’a fait le triple désastre, me laissant tout seul.

Au milieu de tout cela, l’internet nous a reliés au monde. Comme je l’ai déjà dit, cette série de rapports écrits, a commencé avec la lettre que j’ai adressée au président de l’assemblée à laquelle appartient mon église, lui demandant une prière urgente. Très vite cette lettre s’est propagée au-delà des dénominations et des frontières. Cela dépasse tout ce que j’aurais pu imaginer.

Pendant ce voyage aux USA, j’ai pu vérifier à quel point notre site suscitait l’intérêt. Entendre des lecteurs de mon blog dire qu’ils avaient le regard sur nous et nous soutenaient, m’a semblé aussi incroyable que le désastre lui-même.

Cela nous encourage. Nous savions que nous n’étions ni seuls, ni oubliés et ce voyage aux USA l’a confirmé. Combien de personnes, aussi bien japonaises qu’américaines, m’ont dit m’avoir rencontré sur le net !

Après la catastrophe, toute notre énergie était dépensée pour notre survie. Cependant quelque chose me poussait à prendre le temps, ici et là, d’écrire des rapports sur mon PC. Une hantise, similaire à la peur, m’avait enveloppé et je me devais de noter ces expériences hors du commun. Comme elles changeaient constamment je ne voulais pas les oublier. C’était devenu un devoir pour moi comme si c’était mon travail.

Maintenant je pense que j’ai eu raison de penser que je risquais d’oublier la souffrance, les larmes, les peurs et les joies de chaque instant et qu’il fallait que je les note.

L’autre raison qui m’a encouragé à continuer d’écrire sur mon blog c’est que j’avais des lecteurs. Des lecteurs qui nous suivaient et qui partageaient nos peines et nos joies. C’était un peu comme une représentation qui n’aurait pas lieu d’être sans public. Les lecteurs m’ont donné de l’énergie et m’ont aidé à aller de l’avant. Bien sûr, nous ne sommes pas un spectacle, mais le sentiment que beaucoup, dans le monde entier, nous regardaient et nous encourageaient, m’a évité de me sentir seul.

Cela me fait penser à un tableau qui représente Jésus descendant du paradis avec une multitude de saints. Nous sommes entourés par le peuple de Dieu comme dans ce tableau.

J’ai été bouleversé d’apprendre que tant de japonais et d’américains pensaient à nous, priaient pour nous, nous soutenaient, bien au-delà des mers dans ce vaste continent qu’est l’Amérique. Beaucoup d’églises ont prié en pleurant pour nous et nous ont fait des dons généreux.

Ces églises ont fait la même chose après le tremblement de terre de Haïti.

J’ai eu honte alors, de ne pas avoir organisé de réunions de prière et de ne pas avoir prié aussi intensément pour les victimes de Haïti.

Pierre nous demande de nous réjouir de la part que nous avons aux souffrances de Christ (1 Pierre : 4:13). J’ai été vraiment encouragé d’avoir rencontré tant de gens qui ont partagé nos souffrances et continuent de le faire. J’en suis très reconnaissant.

Une différence que j’ai découverte entre ce désastre et celui de Kobe, il y a 16 ans, c’est que les victimes, par le biais d’internet, ont pu partager leur expérience pratiquement en direct et envoyer des messages. Des gens leur ont répondu tout de suite formant un réseau pour répondre aux besoins de chacun.

 C’est l’expérience que j’ai faite. Le mouvement s’est étendu au-delà des mers jusqu’aux USA. Une simple lettre demandant une prière urgente, s’est transformée en réseaux multiples. Ces réseaux nous ont entourés et ont apporté la guérison. Ils ont été comme des vagues aussi puissantes que celles du désastre. Merci encore.

 

22 juillet : minuit passé, dans le train au retour de Kawasaki. Rapport n° 31.

Je sens comme si quelque chose me tirait vers l’avant. Juste après le désastre, je me suis senti perdu, effrayé comme si tout était fini. Puis, à un moment, à l’intérieur de moi, c’est comme si un interrupteur s’était mis sur la position “marche” et tout s’est remis en route. Peut-être était-ce Dieu !

Au début, toute mon énergie était dépensée dans la recherche de nourriture et d’un logement. Mais maintenant mon rôle est celui de témoin en tant que rescapé et survivant d’un grand désastre. Est-ce le Seigneur qui m’a poussé à cesser de ne regarder que vers l’intérieur pour partager notre expérience avec le monde extérieur?

Mon rôle est aussi celui d’un pigeon voyageur, rapportant de mes voyages, des bouffées d’air frais à mon église.

J’ai encore du mal à croire que je suis dans une telle aventure.

Peut-être que notre histoire pourrait donner matière à un livre pour enfants. Dans un pays aussi développé qu’est le Japon, notre groupe de croyants, répartis dans 15 voitures, a dû traverser des montagnes enneigées, sans rien ou presque à manger. Nous avons été forcés de quitter nos maisons, notre ville. Nous avons eu de nombreuses funérailles et de nombreux baptêmes. C’est comme un Exode des temps modernes.

Peut-être ce livre pourrait-il être intitulé : “Le récit incroyable d’un voyage miraculeux” ?

Cela conviendrait peut être aussi pour un film ou pour une pièce de théâtre. J’espère que l’histoire finit bien !

Est-ce juste mon imagination? Cela arrivera-t-il ? Nous avons besoin de joie pour remplacer tous nos chagrins. Je devrais imaginer une fin à laquelle personne ne pense. Il y a plein de scénarios possibles et je vais m’en réjouir.

Je me demande si je ne vais pas perdre mon équilibre si j’imagine trop ou ris trop ! Mais peut-être que Dieu fera quelque chose bien au-delà de mon imagination, quelque chose d’extraordinaire !

 

“Car je connais les projets que j’ai formés sur vous, dit l’Eternel, projets de paix et non de malheur, afin de vous donner un avenir et une espérance.” (Jérémie : 29:11)

 

7 août, au retour d’une église de Yurigaoka. Rapport n° 32

Je pars pour Hokkaido demain. Dans le passé j’ai beaucoup voyagé dans le cadre de mon ministère. C’était une façon pour Dieu de me préparer à ma vie actuelle en tant qu’évacué.

La vie est un voyage. Nous devons nous réjouir de ce que le Seigneur nous donne tout au long du chemin. Nous avons été sur la route depuis le 11 mars, jour du désastre. Ce serait trop triste qu’il n’y ait aucune signification à ce voyage.

Peut-être ai-je été trop préoccupé à me demander si nous étions ou pas arrivés à destination. Ce qui nous attendrit, c’est de voir comment les gens font face à l’adversité et comment ils se relèvent à nouveau après avoir beaucoup pleuré. Je sens que Dieu veille sur nous quand nous tombons, quand nous nous relevons et nous remettons en route. Il a toujours le regard sur nous, aussi bien, dans les moments où nous sommes tout tremblants que dans les moments où nous nous réjouissons.

J’ai dû mal à répondre quand on me demande quels sont mes projets pour le futur. J’ai commencé à me dire que même si ce que nous désirons ne se réalise pas, cette aventure a en soi une signification et en vaut la peine. Nous atteignons souvent notre extrême limite mais nous continuons le voyage, regardant à Dieu et nous cramponnant à Lui.

Quand ce voyage s’achèvera-t-il ? Combien de temps encore devrons-nous vivre ainsi ?

Pourquoi Dieu nous fait-il faire ce périple sur cette terre alors que la destination ultime qu’il a choisie pour nous est sa demeure au paradis ? Vraiment, je pense que la durée du voyage n’est pas le problème.

Cela pourrait faire partie d’un programme pour la Vie dans le Royaume, Dieu nous guidant tout au long de ce voyage sur terre tandis que nous essayons de le suivre même si parfois nous nous sentons désorientés.

 

 Seigneur, je sens Ton regard sur nous tandis que nous continuons ce voyage. Nous admettons qu’il y a beaucoup de choses que nous ne comprenons pas. Mais nous essayons de nous accrocher au peu que nous comprenons.

18 août : Rapport n° 33

Je suis à bord du vol JAL après une semaine passée en Hokkaido.

Un membre de la maison d’édition m’accompagnait et nous avons eu sept réunions entre lundi et vendredi. Combien d’événements, que je n’aurais jamais expérimentés sans le désastre, auront-ils encore lieu ? C’était la première fois que j’utilisais un seul et même sermon pour une série de meetings et que j’étais accompagné d’un éditeur ! Alors que nous vendions mon livre à l’issue des réunions, cela m’a rappelé les chanteurs qui font la même chose pour promouvoir leurs nouvelles chansons !

J’étais surpris de voir que tant de personnes étaient intéressées au point de venir m’écouter. J’ai parlé une heure tout en faisant une présentation visuelle.

Je me souviens des survivants d’Hiroshima et de Nagasaki disant qu’ils avaient la responsabilité de raconter leur histoire tant qu’ils vivraient. Je suis un pasteur mais je n’avais jamais ressenti une telle conviction. Je me demande souvent si j’aurais expérimenté tout cela si je n’avais pas été un pasteur.

 

Jésus avait dit à Pierre qu’à la fin de sa vie, il irait là où il ne voudrait pas aller. Aucun d’entre nous ne voulait vivre loin de chez lui ne sachant pas quand il pourrait y retourner. Nous vivons tous actuellement là où nous n’aurions pas choisi de vivre, supportant ce qui nous est donné. Au temps de Jésus, la foi de beaucoup a été testée à travers les persécutions. Peut-être que notre foi est nourrie quand nous laissons Dieu nous placer là où nous ne voulons pas ? S‘il en est ainsi, alors nous sommes très certainement dans la main de Dieu.

Pourquoi Dieu permet-Il que Son peuple voyage sur des routes rocailleuses, à travers les guerres, les éruptions volcaniques, les inquiétudes financières, des tendances climatiques inhabituelles ? Est-ce pour nous enseigner que nous sommes étrangers sur cette terre, que nous n’y sommes que temporairement ?

Est-ce le plan de Dieu qu’à travers la séparation d’avec la famille, qu’à travers la perte d’un emploi, les incidents, les accidents, nous allions à lui, les dents serrées, cherchant une issue ? Le désastre serait-il un tremplin pour nous rapprocher de Dieu ?

 

18 août 2011, Fukuoka : rapport n°34

 

Il est très facile de voir, rien qu’à notre apparence, que nous sommes dans une situation de vie ou de mort. Immédiatement après le désastre, nous sommes partis et nous étions 15 voitures à faire le trajet ensemble. L’une des personnes est tombée malade et j’ai dû me précipiter dans un commissariat de police pour  demander de l’essence car nous n’en avions plus. J’ai dû passer pour quelqu’un se trouvant dans une situation de vie ou de mort.

 

Nous ne voyons toujours pas la sortie du tunnel. Il semble y avoir encore de nombreuses montagnes à traverser. Serons-nous capables de persévérer ? Après 40 ans dans le désert, la Bible dit de Moïse que « sa vue n’était point affaiblie, et sa vigueur n’était point passée. » (Deut. 34 :7). Dépourvu de ces qualités, il n’aurait pas pu arriver au bout du voyage.

 

Quand des athlètes sportifs prennent leur retraite, ils disent souvent qu’ils n’ont plus la force mentale ou l’endurance requises. Je pense à l’énergie dont ils ont constamment besoin pour rester dans la compétition, continuant même s’ils sentent qu’ils sont à bout. Cette expérience leur permet de dire qu’ils n’ont aucun regret lorsqu’ils prennent leur retraite.

 

Avec l’arrière-plan des courses athlétiques qui ont donné naissance aux jeux olympiques, Paul dit dans la Bible que lui aussi court une course. Il y avait aussi la course des croyants, ouvrant une nouvelle page avec la naissance et la croissance de l’église. Je pense aux souffrances qu’ils ont dû endurer pour cela. Je ne sais pas si Paul était naturellement doué dans ces domaines ou si le Seigneur lui a donné la force et les compétences dont il a eu besoin en chemin.

 

Nos précurseurs sous l’ère Meiji avaient ces qualités. Peut-être que le Seigneur est en train de nous les inculquer alors que nous traversons la tornade actuelle. M’attendant à cela, je sens que je vais pouvoir voir un signe sur la route me donnant de l’espoir pour l’avenir.

 

 

27 août 2011, Sapporo : rapport n°35

 

Nous apprécions énormément vos prières. Il semble que le temps soit venu pour l’apparition de colonnes de feu et de nuages. Nous allons retourner à Fukushima, ce sera notre quatrième aller-retour depuis notre départ en mars. Nos quatre chapelles sont situées dans la zone d’évacuation et sont toujours interdites d’accès et nos maisons  aussi sont perdues pour nous. Cependant, plusieurs de nos frères et sœurs ont attendu notre retour à la maison. L’église baptiste de Fukushima a besoin de louer le Seigneur à Fukushima, et nulle part ailleurs. Ainsi nous avons décidé de retourner aussi près que possible de là où nous étions et de nous joindre  aux frères et sœurs qui y sont restés. Nous souhaiterions voir notre église là-bas et y réfléchir aux prochaines étapes.

 

Après l’exode, Moïse et les Israélites ont erré dans le désert du Sinaï pendant 40 ans et ont finalement atteint un endroit qui correspondait à la dernière étape avant la Terre Promise. De façon similaire, nous retournerons temporairement dans un lieu qui se situe juste à côté de notre lieu d’origine et nous attendrons le bon moment pour retourner dans celui-ci. Je n’ai aucune idée de l’endroit où cela sera, ni du moment où nous nous retrouverons pour louer le Seigneur tous ensemble. Il semble que nous serons toujours des voyageurs sur cette planète.

 

J’ai entendu dire que le marché immobilier était dans l’incertitude et qu’il n’y avait pas d’appartements à louer disponibles à Fukushima. Cependant, malgré les incertitudes et les inquiétudes, nous avons pris notre décision et ce que nous devons faire maintenant c’est continuer d’avancer. J’ai besoin de trouver un logement pour ceux qui désirent rentrer, et un lieu de culte. Pour cela, je passerai désormais mon temps à faire de fréquents voyages entre Fukushima et Tokyo. Nous devons déménager d’ici la fin de l’année, voire au printemps au plus tard. Alors que je m’aventure dans l’accomplissement de cette nouvelle tâche qu’est la recherche de logements pour les frères et sœurs et d’un lieu de culte, je ne vais certainement pas m’ennuyer. S’il vous plait priez pour moi. Je ferai attention à prendre soin de mon dos quand je conduirai.

 

“Je saisis les deux tables, je les jetai de mes mains, et je les brisai sous vos yeux. Je me prosternai devant l’Eternel, comme auparavant, quarante jours et quarante nuits, sans manger de pain et sans boire d’eau, à cause de tous les péchés que vous aviez commis en faisant ce qui est mal aux yeux de l’Eternel, pour l’irriter. Car j’étais effrayé à la vue de la colère et de la fureur dont l’Eternel était animé contre vous jusqu’à vouloir vous détruire. Mais l’Eternel m’exauça encore cette fois. L’Eternel était aussi très irrité contre Aaron, qu’il voulait faire périr, et pour qui j’intercédai encore dans ce temps-là. Je pris le veau que vous aviez fait, ce produit de votre péché, je le brûlai au feu, je le broyai jusqu’à ce qu’il fût réduit en poudre, et je jetai cette poudre dans le torrent qui descend de la montagne. A Tabeéra, à Massa et à Kibroth-Hattaava, vous excitâtes la colère de l’Eternel. » (Deut 9 : 17-22)

 

 

30 août 2011 : rapport n°36

 

Il y a 3 ans, nous avons fait construire une nouvelle église qui aurait dû durer 100 ans. Il a fallu de nombreuses réunions mais finalement cette chapelle faite de béton armé et dont le thème était l’éternité a vu le jour. Va-t-elle simplement se tenir là sans être d’aucune utilité ?

 

Une fois par semaine, je parcours les 400-500km jusqu’à Fukushima pour faire un saut chez des agents immobiliers à la recherche d’un endroit adéquat pour notre lieu de culte. Je dois admettre que parfois, je me demande pourquoi je fais cela mais je suppose que c’est le chemin que Dieu a tracé pour moi, afin que j’aille aussi loin que possible, faisant tout ce que je peux.

 

Je n’aurais jamais imaginé avoir à chercher un jour, un endroit pour tenir un culte. La réalité frappe durement. Chaque lieu sur lequel je gardais un œil n’a rien donné. Je commence à me sentir abattu. Serons-nous capables d’avoir un culte à Fukushima au printemps prochain ?

 

C’est encore plus difficile d’essayer de trouver un logement pour les membres de l’église qui souhaitent retourner à Fukushima. Je n’ai jamais  rendu autant visite à des agents immobiliers de ma vie. Le marché locatif est limité. Certains agents immobiliers ne me reçoivent même pas quand ils découvrent que je suis un évacué. D’autres me conseillent de ne pas revenir. Un agent m’a dit que le loyer pour les évacués était de 90 000 yens (875 euros) au lieu de 60 000 yens (583 euros) normalement. J’étais triste et en colère en même temps.

 

Je me rappelle d’une histoire qu’une femme évacuée a racontée. Elle avait déménagé dans une autre préfecture et était tombée malade. Quand elle s’est rendue à l’hôpital, on l’a faite attendre dehors. Pourquoi devait-elle être traitée ainsi alors qu’elle avait besoin d’assistance médicale ? J’ai senti les larmes me monter aux yeux alors que je l’imaginais se tenir aux portes de l’hôpital. Pourquoi devait-elle être traitée de la sorte ? Sommes-nous impurs tout comme le terrain autour de nos maisons ? Je n’arrête pas de me plaindre que l’électricité produite à la  centrale nucléaire de Fukushima alimentait la région du Kanto.

 

J’ai entendu une autre histoire venant d’un membre de notre église qui habitait dans un rayon de 3 km de la centrale. Elle s’est rendue à la mairie de la préfecture qu’elle avait dû fuir, dans l’intention de se faire enregistrer. On lui a demandé alors si elle venait chercher de la nourriture. Devons-nous être dépouillés de notre dignité ? Nous ne sommes pas des mendiants. Nous avions chacun des emplois et payions des taxes. Qu’est-ce qui nous a amenés à la position dans laquelle nous sommes aujourd’hui ? J’entends dire que des maisons d’évacués sont la cible des voleurs. On dit aussi  à certains de ne pas garer leurs voitures parce qu’ils ont des plaques d’immatriculation de Fukushima. Est-ce la seule façon dont nous avons le droit de vivre ? C’est douloureux de savoir combien de souffrances ce désastre a causé.

 

“ Il m’est bon d’être humilié, afin que j’apprenne tes statuts.” Psaume 119 :71

 

Une traduction japonaise utilise « méprisé » au lieu de « humilié ». La Bible dit qu’il est même bon d’être méprisé. Il y avait un parc rempli d’iris près de ma maison située dans la zone d’évacuation. Les fleurs sont plantées dans un étang boueux nourri par de l’eau noire qui produit des fleurs magnifiques. Je nous vois prendre racine dans une terre chaotique et donner naissance à de magnifiques fleurs jaunes et violettes.

 

S’il vous plait, priez que Dieu me garde dans cette décision que j’ai prise. Priez également que le Seigneur me fortifie alors que les choses deviennent de plus en plus pénibles, comme Il l’a fait pour Paul.

 

« Je puis tout par Christ qui me fortifie » Philippiens 4 :13

 

 

10 septembre 2011, en allant de Kumamoto à Saga : rapport n°37

 

Je me demande combien de fois je vais expérimenter les miracles de Dieu. Il semble être à l‘œuvre quand nous rencontrons des obstacles – la mort à soi-même est suivie de la résurrection.

 

Le 18 août j’ai commencé à rechercher un lieu de culte à Fukushima. Nous étions très découragés car nous n’en trouvions pas mais par la suite nous avons été amenés à acheter une parcelle de terre où nous construirons une salle paroissiale ainsi qu’un immeuble d’habitation.

 

Cela fait simplement deux mois que l’église a décidé de retourner à Fukushima. Ceux qui ont été évacués comme nous à Tokyo décideront eux-mêmes s’ils souhaitent rentrer en même temps que nous ou pas. Deux semaines après avoir commencé à effectuer des visites avec des agents immobiliers, la décision fut prise. Je n’aurais jamais pensé que cela se produirait aussi rapidement ! Josué et Caleb sont allés « au-devant » du peuple d’Israël pour découvrir la Terre Promise. Dieu nous a-t-il également dirigés comme une équipe d eclaireurs ? Ma femme et moi-même étions les premiers à aller à Fukushima mais nous étions très découragés quand nous encaissions refus sur refus. La réalité nous a durement frappés.

 

Si nous ne pouvions pas trouver d’endroit à louer alors nous ne pouvions pas chercher de logements pour les membres de l’église. Nous avons considéré plusieurs propriétés incluant un ancien centre de jeux de flippers mais rien ne marchait. Ceci nous amena à prendre la décision d’acheter une parcelle de terre. Je n’aurais jamais pensé me lancer à nouveau dans la construction d’une église. Cette fois-ci nous avons senti qu’il fallait aussi que nous construisions des logements pour les personnes âgées et celles qui sont malades.

 

Pour être honnête je suis surpris de ce rebondissement. Nous irons dans une zone aussi proche que possible de la zone interdite. Nous vivrons et prierons là-bas et attendrons le moment où nous serons autorisés à pénétrer dans cette zone. Le thème de notre nouveau bâtiment pour l’église sera la prière et la résurrection. De cet endroit, nous prierons pour la résurrection de notre terre d’origine. N’avons-nous pas suivi Dieu, dirigés par des colonnes de fumée, comme un petit enfant suivrait ses parents ?

 

La recherche d’un lieu pour l’église et de logements pour les membres de l’église a été très spectaculaire. Nous avons trouvé une parcelle de terre. Des logements pour les membres de l’église, qui semblaient au départ impossible à trouver, ont commencé à se matérialiser. Un agent immobilier m’a raconté qu’après que nous ayons commencé à nous renseigner, des propriétés ont commencé à être disponibles les unes après les autres en l’espace de deux semaines. Je pensais que ce genre de choses se produisait assez souvent, mais apparemment ce n’en était pas le cas.

 

Je sens que Dieu est en train d’agir et je ressens la puissance de la prière. Je me rappelle du serviteur d’Abraham et de son processus de recherche pour trouver une femme au fils de son maître. Je ne peux que penser que Dieu avait préparé tout ce dont nous avions besoin à l’avance afin que nous soyons capables de trouver ce qu il  nous fallait en deux semaines seulement.

 

Avant d’en arriver à ce stade, j’ai failli abandonner plusieurs fois. Quand j’étais sur le point de perdre tout espoir sur cette parcelle de terre tant convoitée, nous avons reçu la bonne nouvelle que le propriétaire était d’accord pour la vendre. J’aimerais demander à Dieu de nous révéler en avance le plan d’action pour que nous puissions voir le chemin plus nettement. Cela serait bon pour le cœur. Mais si c’était le cas je ne ressentirais pas ce sentiment d’émerveillement et de proximité avec Dieu. Peut-être que la foi nous demande de croire sans voir.

 

Les prochains obstacles sont la levée de fonds et la mise en ordre dans la paperasserie. S’il vous plaît, priez. Nous continuerons à dépendre de Celui qui nous a menés jusqu’ici car Il a tracé un chemin pour nous dans le désert.

 

Seigneur, tu as ouvert la mer rouge et secouru ton peuple et tu nous as permis également d’expérimenter des merveilles. Nous sommes bouleversés. Dans notre souffrance, nous te remercions Seigneur pour chacune des bénédictions excitantes que tu nous as envoyées.

 

29 septembre 2011, Izumo : rapport n°38

 

Je pensais avoir versé assez de larmes pour tout le restant de ma vie mais le contraire vient de m’être prouvé. Le temps est venu de dire au revoir aux frères et sœurs avec qui nous avons vécu et partagé dans le centre de retraite et je ne peux pas m’empêcher de me sentir triste. J’ai peur de perdre tout le monde à ce rythme-là, mais j’essaie de ne pas être pessimiste.

 

Nos frères et sœurs à Fukushima attendent notre retour à la maison mais avant cela il nous faut dire au revoir. Au cours de la semaine passée, trois personnes sont parties, certaines dans leurs familles, d’autres à Niigata et dans le Kyushu. Ceux qui ont trouvé du travail à Tokyo y resteront.

 

J’ai toujours pensé que la moitié de la vie est remplie de joie et que l’autre moitié est remplie de tristesse. Mais il semble y avoir une quantité plus importante de souffrance. Est-ce au milieu de la souffrance que nous connaissons la joie ?

 

Une sœur qui s’est jointe à nous après le désastre s’est faite baptisée ici et est partie pour Niigata. Nous avons rencontré un frère pour la première fois alors que nous faisions ce voyage. Il est charpentier et a réparé plusieurs choses au centre de retraite. De nombreuses capacités et expériences passées sont devenues utiles alors que nous vivions ensemble. Ce frère venait juste de nous rejoindre et est venu au service de louange et à l’étude biblique. Cela a été une des bénédictions de ce désastre. J’ai été ému quand il a dit, en larmes, qu’il irait à l’église là où il serait amené à vivre dans le futur. C’est un carrefour où les vies des gens se croisent.

 

Un membre de l’église, qui a servi en tant qu’ancien pendant de nombreuses années, est parti vivre avec son fils. Je suis triste que notre église soit déchirée. Je devrais prier le Seigneur pour l’unité et la protection de ce troupeau au cours de son voyage.

 

Nous en sommes donc arrivés à un point où nous effectuons un demi-tour. Le nouveau bâtiment pour l’église est fondé sur l’image d’un oiseau regardant vers son nid mais s’arrêtant d’abord pour se reposer et faire le point sur ses forces avant de prendre son envol. Nous devrions commencer avec à peu près 50 personnes, un quart de ce dont nous avions l’habitude. Nous nous sentons fatigués et blessés par notre long voyage. Serons-nous restaurés comme les versets ci-dessous le décrivent ?

 

Je souhaiterais remercier tous ceux qui nous regardent et qui marchent avec nous. Le nouveau bâtiment pour notre église symbolisera l’unité dans la prière venant de tout le Japon et de partout dans le monde. Nous avons pu acheter la parcelle de terre sur laquelle nous bâtirons l’église grâce à des dons généreux au travers de ce site web et d’autres offrandes. Je suis reconnaissant pour cela.

 

Ne le sais-tu pas ? ne l’as-tu pas appris ?

C’est le Dieu d’éternité, l’Eternel,

Qui a créé les extrémités de la terre ;

Il ne se fatigue point, il ne se lasse point ;

On ne peut sonder son intelligence.

Il donne de la force à celui qui est fatigué,

Et il augmente la vigueur de celui qui tombe en défaillance.

Les adolescents se fatiguent et se lassent,

Et les jeunes hommes chancellent ;

Mais ceux qui se confient en l’Eternel

Renouvellent leur force.

Ils prennent le vol comme les aigles ;

Ils courent, et ne se lassent point,

Ils marchent, et ne se fatiguent point. Esaïe 40 : 28-31

 

 

Samedi 8 octobre 2011, sur le vol de retour de Chicago : rapport n°39

 

Je suis sur le chemin du retour après un voyage, très chargé, à Los Angeles et Chicago.

 

Mon pasteur assistant rend visite à des membres de l’église qui vivent en tant qu’évacués dans différents endroits du Japon. Les gens appellent cela un « tour Gangan » - un voyage non-stop très intense. Il part tôt le matin, voyage dans les préfectures de Gunma, Saitama, Tochigi, Ibaraki et Fukushima et rentre après minuit. Je n’arrive pas à réaliser les distances qu’il parcourt en voiture. Je n’ai pas pu le faire et j’ai toujours pensé qu’il devait être très coriace pour le faire. Mais ce voyage aux Etats-Unis a été aussi éprouvant que cela.

 

En arrivant à l’aéroport de Los Angeles, nous nous sommes directement rendus à notre première  réunion. Après avoir parlé dans la soirée à l’église de Saddleback, nous nous sommes rendus à l’aéroport et avons pris un vol pour Chicago. J’ai pu dormir 3 heures lors du vol. Arrivés à l’aéroport, nous nous sommes rendus à une réunion qui commençait à 6h30 du matin. J’ai parlé à 12 réunions différentes en 4 jours. Entre les réunions, j’étais interviewé et répondais aux journalistes. Je suis reconnaissant pour toutes les opportunités : les petites réunions comme les grandes, les réunions pour Japonais, comme celles pour Américains. Grâce aux prières de tout le monde, je suis sur le chemin du retour à nouveau.

 

Ce voyage était rempli de rencontres dues à la catastrophe. L’objectif de ce voyage était de parler de mon expérience du désastre et de mon livre qui rapporte comment nous avons survécu. C’était également l’occasion de demander du soutien pour le nouveau bâtiment de l’église. Nous avons des plans pour ce bâtiment mais pas assez de fonds.

 

Nous avons découvert qu’il y a des obstacles à surmonter pour publier un livre japonais aux Etats-Unis. Mes propos ont été traduits et cela a pris un tout autre sens  pour moi.

 

Chaque chemin a ses propres défis auxquels il faut s’attaquer. Est-ce que le Seigneur est là pour nous aider à passer au travers ? Je me rappelle mon petit-fils suivant sa mère à quatre pattes partout où elle allait. Est-ce que nous te suivons comme cet enfant Seigneur ? Allons-nous vraiment construire l’église ? Les besoins financiers vont-ils être comblés ? Je pense que nous continuerons à poser ces questions au Seigneur tout en avançant le long du chemin.

 

Le 6 octobre, la nouvelle nous est parvenue alors que j’étais aux Etats-Unis que mon livre sur le désastre allait être publié en Corée le 5 novembre. Nous venions juste de terminer notre réunion à Tyndale. C’était vraiment le temps parfait pour une telle nouvelle et cela nous a réjouis et nous a fait pleurer. Bien que  consternés, le Seigneur semble nous amener à danser d’admiration et de profond respect pour Lui quand Il nous surprend ainsi. Je suppose que nous devrions danser dans le creux de la main de Dieu.

 

“Il fait toute chose belle en son temps… bien que l’homme ne puisse pas saisir l’œuvre que Dieu fait, du commencement jusqu’à la fin”. Eccles.3 :11

 

Samedi 15 octobre 2011, dans un train sur la ligne Chuo : rapport n°40

 

Après être arrivé à l’aéroport de Narita, je suis directement parti en voyage missionnaire. Entre les visites et les réunions, je suis allé à Fukushima. Je n’ai pas pu passer autant de temps que je l’aurais voulu avec les membres de l’église au centre de retraite. Je me demande comment les apôtres dans l’église primitive faisaient pour gérer leur temps alors qu’ils faisaient face à la persécution, qu’ils géraient les problèmes personnels des croyants, qu’ils exhortaient l’église et qu’ils partageaient l’évangile.

 

Tout comme les survivants de Nagasaki et d’Hiroshima ont continué , au cours de leur vie, à parler de leur douloureuse expérience de la bombe atomique, je ressens qu’il est de mon devoir de partager ce que j’ai vu et ressenti en tant que pasteur de l’église la plus proche de la  centrale nucléaire de Fukushima .(qui est devenue aussi célèbre que Tchernobyl.) Maintenant que la date de notre départ de Tokyo est fixée, le problème le plus urgent est de trouver des logements et de construire notre église. Aurons-nous assez de fonds ? Pourrons-nous construire l’église ? La vie de notre église consiste actuellement en une cinquantaine – soixantaine de personnes qui vivent ensemble sans aucune intimité. Il est difficile de prévoir comment les choses vont évoluer.

 

La catastrophe a ébranlé ma vie il y a six mois et continue de l’ébranler. Depuis ce temps, la vie a continué à une vitesse extrêmement rapide. Ce drame se terminera-t-il un jour ? Je suppose qu’il n’y a rien qui ne connaît pas de fin.

 

Plusieurs personnes sont inquiètes de la situation financière de l’église et je suis reconnaissant pour cela. Les membres de notre église ont été éparpillés. Approximativement un quart de ceux-ci retourneront à Fukushima. J’ai l’impression d’être un samouraï qui a perdu la bataille et qui s’est enfui à la campagne avec ses compagnons. Quand nous avons quitté Fukushima, nous étions 60 ou 70. Nous avons fui et avons trouvé un endroit où survivre. Aujourd’hui, 40 ou 50 d’entre nous espèrent rentrer chez eux.

 

Parfois je me demande si faire le voyage ensemble en tant qu’église était la bonne décision à prendre. Nous avons dû  prendre une décision sur le champ sans avoir vraiment le temps d’y réfléchir minutieusement. Il semble que nous continuons à être pris de cours et à avancer.

 

Je devrais dire que je suis fatigué mais je n’ai pas le temps pour cela. Quelqu’un m’a averti que je développerai un cancer. Une autre personne m’a dit que si je fais face positivement au stress, le cancer fuira. Je ne sais pas qui a raison. Tout ce que je peux faire c’est continuer à avancer. Nous sommes toujours en chemin.

 

Après le désastre, aucun membre de l’équipe pastorale (le pasteur, les pasteurs assistants ou autres employés) n’a reçu de salaire, et pour cause, presque tous les membres de l’église venaient de perdre leur travail et leur maison. Par la suite, nous recevions 50% du salaire, et maintenant 75%. Un des employés ne reçoit toujours rien, seulement des dons de personnes extérieures à notre église. Chaque mois, nous avons 400 000 yens (3900 euros) de découvert. Cela fait partie du poids que nous avons à porter à cause du désastre.

 

Pourtant, notre église a survécu et est toujours vivante. Peut-être qu’elle est couchée sur le côté ou qu’elle vole avec juste une seule aile.

 Je ne peux pas espérer que mon église prenne son envol ou soit restaurée dans sa forme originale. Mais nous survivrons. Le Seigneur nous donnera un objectif à atteindre au fur et à mesure que nous avançons.

 

J’ai pu prendre la parole lors de différentes réunions, j’ai parlé particulièrement du nouveau bâtiment de l’église et j’ai fait des voyages jusqu’à Fukushima et je suis désolé de dire que mon ministère pastoral en a souffert. Mais ce type d’occupations a un rythme particulier et ça n’est pas déplaisant.

 

Je continuerai donc à être occupé même si je ne sais pas combien de temps cela durera. Quand j’arriverai au bout, un « panorama » se découvrira et j’attends cela avec impatience. Je vous dirai ce que je vois à ce moment-là. Ma vie a pris un tournant bien inattendu. Et ce n’est certainement pas ennuyeux.

 

Avec reconnaissance…

 

 

25 octobre 2011, Okinawa : rapport n°41

 

Je suis à Okinawa. Le coucher de soleil d’hier soir m’a laissé sans voix. C’est ma deuxième visite ici depuis le désastre et j’ai parlé à six différentes réunions en cinq jours. Dimanche après-midi j’ai parlé dans un parc et beaucoup de gens ont écouté, ce pour quoi je suis reconnaissant.

 

Je sens qu’il est de mon devoir de continuer à parler de mes expériences. Juste après le désastre, les gens ont vaqué à leurs occupations journalières comme à leur habitude. Ca

faisait drôle de voir des émissions à la télévision où ils essayaient de faire rire les gens. Dans ma tête je pouvais comprendre que dans des situations traumatisantes comme celle-ci, il fallait du rire, mais je me sentais triste, vide et abandonné à ce moment-là.

 

Je ne saisis toujours pas le sens de ce qui nous est arrivé. Lors de ma visite à Chicago, j’ai écouté un rapport sur les graves désastres d’aujourd’hui. Il disait que même si nous prenons en considération le fait que les nouvelles se propagent rapidement et largement grâce aux technologies modernes de communication, les catastrophes naturelles deviennent de plus en plus graves d’année en année. J’ai entendu dire que les récentes inondations en Thaïlande affectent les exportations vers le Japon et la fabrication de voitures. De bien des façons, une catastrophe naturelle à un endroit précis a des répercussions importantes sur d’autres endroits dans le monde.

 

Les épreuves par lesquelles nous passons sont-elles des signes avant-coureurs de la Grande Tribulation ? Un exemple de comment un pasteur et une église font face à une catastrophe quand elle frappe soudainement ? Ma femme et moi avons souvent parlé de la façon dont d’autres pasteurs auraient géré la situation par laquelle nous sommes passés. Nous avons terriblement envie de leur demander. Nous nous demandons si nous passons par une telle épreuve maintenant pour le bénéfice d’autres dans le futur.

 

Je retourne sur Tokyo ce soir. Demain, après une interview à la télé, j’irai à Fukushima par le train de nuit, dans le but de finaliser le contrat pour une parcelle de terre destinée à la construction de notre église. En ce moment, je regarde un coucher de soleil à travers une mer de nuages depuis le hublot d’un avion. La semaine dernière, j’ai regardé un coucher de soleil par un temps très dégagé alors que j’étais sur la route qui mène de Fukushima à Tokyo. Aussi triste que j’ai pu être face à des paysages de désolation, Dieu a mis de magnifiques images en face de nous. Je devrais donc lever les yeux vers le ciel plutôt que de regarder par terre. Quand nous ne trouvons pas de moyen de nous en sortir, nous devrions relever la tête.

 

La plupart des jours de nos vies sont peu mouvementés. Remercions-nous assez Dieu pour ces jours-là ? Ou les prenons-nous pour acquis et vaquons-nous à nos occupations ? La catastrophe était-elle quelque chose qui sortait de l’ordinaire ou était-ce la vie que nous prenions pour acquise qui était anormale ?

 

Je lève mes yeux vers les montagnes. D’où me viendra le secours ?

Le secours me vient de l’Eternel, qui a fait les cieux et la terre.

Il ne permettra point que ton pied chancelle ; Celui qui te garde ne sommeillera point.

Voici, il ne sommeille ni ne dort, Celui qui garde Israël.

L’Eternel est celui qui te garde, L’Eternel est ton ombre à ta main droite.

Pendant le jour le soleil ne te frappera point, Ni la lune pendant la nuit.

L’Eternel te gardera de tout mal, Il gardera ton âme ;

L’Eternel gardera ton départ et ton arrivée, Dès maintenant et à jamais. (Ps 121 : 1-8)

 

10 novembre 2011, sur le vol d’Haneda vers Fukuoka : rapport n°42

 

Nous sommes dimanche soir et je suis sur le chemin du retour vers le centre de retraite à Tokyo. Après-demain, je me rendrai dans la zone interdite et je porterai une combinaison de protection. Chaque fois que je retourne à la maison, je suis atterré de voir la désolation qui règne dans cette zone et autour de ma maison. Je suis certain que beaucoup de gens sont vraiment déçus. J’aimerais que tout cela ne soit qu’un cauchemar et que l’on puisse retrouver les jours anciens, quand je me reposais dans mon salon en lisant mon journal. Cela est bien loin de devenir la réalité avant longtemps.

 

Je suis fatigué de devoir passer mes journées à remplir des formulaires de dédommagement et de continuer les procédures administratives en tant qu’évacué. Quelle énergie dois-je encore dépenser sur des choses que je ne devrais pas avoir à faire ?

 

La catastrophe est survenue à la fin de l’hiver et maintenant un nouvel hiver approche. Je concentrerai mes efforts sur la construction d’appartements pour les plus âgés qui ont perdu leur maison et pour ceux qui ne sont pas en très bonne santé. Ce ne sera peut-être pas une mauvaise chose que de travailler durement car j’ai peur de toucher le fond du désespoir si je m’arrête et  réfléchis trop profondément. Peut-être que Dieu est au travail durant ces jours alors que nous devons prendre de rapides décisions, les unes après les autres,  ainsi que des mesures immédiates.

 

Beaucoup de gens sont préoccupés par mon bien-être mais je me porte bien. L’une des raisons  à cela est que j’ai beaucoup de choses à faire.

 

Le projet de construction que je suis en train de mener actuellement, est le 10ème depuis que je suis devenu pasteur à l’âge de 25 ans. J’ai bien envie de demander à Dieu si  plus qu’un Pasteur, je ne serais pas plutôt un architecte ou un directeur de projets immobiliers ! Quand la construction du bâtiment pour l’église fut terminée il y a 3 ans, j’ai décidé alors que cela serait mon dernier projet de construction. J’y avais mis toute mon énergie. Cependant les plans de Dieu ne concordent pas avec les miens et nous ne savons jamais ce qui peut se produire par la suite. Et me voici, m’attaquant à un autre projet de construction pour l’église incluant, pour la première fois, un immeuble d’habitation. Après la catastrophe, la situation quant à ma vie de famille et à mon ministère ont changé de façon considérable.

 

Même si je n’avais jamais fait d’emprunts bancaires dans les précédents projets de construction, cette fois-ci, c’est différent. Huit églises ont été construites par la foi grâce à des  dons mais la catastrophe a provoqué une urgence. Nous avons besoin rapidement d’un bâtiment pour l’église et d’un immeuble avec des appartements. Je sens que Dieu nous invite à faire un pas de foi alors que nous n’avons pas de fonds. Nous avons vécu dans l’imprévu depuis le 11 mars et même si huit mois se sont écoulés, je ne m’habitue toujours pas à ce qui sort de l’ordinaire et je suis souvent facilement surpris.

 

D’un autre côté, je sens que Dieu va ouvrir les portes car il l’a déjà fait par le passé à chaque fois que nous en avions besoin. L’autre jour, alors que cela semblait impossible en termes de procédures et de timing, nous avons reçu la permission d’un employé de la mairie. Nous connaissons donc une succession de joies et de souffrances, ce qui n’est pas très bon pour mon cœur. Je suis reconnaissant à Dieu, tout comme je le suis à ceux de la mairie.

 

Je pensais que les enfants se portaient bien mais j’ai appris que certains pleuraient la nuit quand ils étaient couchés. Ils sont visiblement blessés parce qu’ils ont dû, soudainement,  quitter leur école, leurs amis et maintenant ils doivent encore changer d’école. J’aurais dû m’y attendre. Tout le monde est  profondément blessé.

Mon chien  aussi a souffert. Comme ma femme et moi-même sommes très souvent en déplacement ces derniers temps, j’ai décidé de le laisser avec mon fils. J’ai l’impression que d’autres personnes prennent soin de lui quand mon fils n’est pas à la maison. Je suis reconnaissant envers ceux qui s’en occupent  mais je ressens de la pitié pour lui. Cela fait 13 ans que nous l’avons et il vieillit et souffre de la cataracte et de perte d’audition. Je me demande comment il vit chaque journée depuis la catastrophe, ayant changé de maison et maintenant étant loin de nous.

 

L’autre jour, au milieu de mon emploi du temps bien rempli, je suis allé le voir pendant 30-40 minutes. J’ai ouvert la porte et l’ai appelé mais il n’a pas répondu. Il est allé voir mon fils, et m’a juste regardé comme si je n’étais qu’un étranger. Il avait l’air d’être blessé et j’étais triste. C’était la première fois qu’il se comportait de cette façon avec moi et cela m’a montré qu’il était passé par des moments douloureux. « Je suis désolé Papi (c’est un chien de la race Papillon), s’il te plaît pardonne-moi. C’est à cause de la catastrophe ». Mais son regard n’a pas changé. Alors que je fermais la porte et que je me retournais une dernière fois, j’avais l’impression qu’il disait, “ Ne me dis pas ces mots vides de sens. Tu m’abandonnes encore une fois. Je ne veux  plus être blessé. Je ne t’ouvrirai pas mon cœur ».

 

J’ai compris à nouveau que la catastrophe arrache toutes les attaches que nous avons.

 

“Mon cher Papi – je suis vraiment désolé Papi. S’il te plaît attends-moi. Je ne vais pas t’abandonner. C’est à cause de la catastrophe. Ne me regarde pas comme ça. Chasse tes doutes. Je viendrai te chercher. Porte-toi bien d’ici là. Viens et blottis –toi contre moi à ce moment-là. Je te serrerai dans mes bras et je rattraperai tous les moments où je n’ai pas pu le faire. Je te gâterai. Nous vivrons ensemble comme c’était le cas avant la catastrophe. Sois patient. Ne m’oublie pas. De la part de ton père”. Mais bon, il ne sera pas capable de lire ma lettre !

 

J’avais commencé à écrire cette partie de mon journal le 1er novembre mais j’ai arrêté ensuite. Excusez-moi de le mettre en ligne si tard. Cela fait 10 jours que j’ai commencé à écrire. Je suis sur le chemin de Saga, Kyushu. Si j’avais été de ces  « tsukemono » [légumes conservés dans la saumure], tellement aimés par les gens de Tohoku, j’aurais certainement déjà «  tourné » car délaissé trop longtemps !

 

 

Mardi 22 novembre 2011, dans le train à grande vitesse en direction de Kyoto : rapport n°43

 

J’ai l’impression de m’essouffler dans l’écriture de mon journal. J’ajoute maintenant certains éléments à ce que j’ai déjà écrit il y a un moment. Cela fait 8 mois que la catastrophe s’est produite et je manque d’endurance.

 

J’ai pris du poids ces derniers temps comme je parle lors de réunions dans différentes parties du Japon et que je reçois l’hospitalité à chaque endroit où je me rends. Je suis un peu inquiet, et je me demande si je ne suis pas en train de détruire l’image qu’ont les gens d’un pasteur évacué, c’est-à-dire  mince et fatigué. Immédiatement après la catastrophe j’ai perdu 9 kilos mais regardez-moi maintenant : Je ne pense pas pouvoir demander aux gens de prier pour que j’arrête de prendre du poids. J’étais content de pouvoir perdre autant de poids mais je suis triste maintenant d’avoir tout repris. Je suis cependant reconnaissant pour toute la bonne nourriture que je reçois. Je suis triste et heureux en même temps.

 

Ce genre de sentiments mélangés m’accompagnent depuis la catastrophe. Le nouveau bâtiment pour l’église va être un beau bâtiment et j’en suis heureux. Mais quand on me demande pourquoi sa  construction alors que notre nouvelle église est encore là-bas, je deviens triste. Le plan de ce nouveau bâtiment pour l’église est fondé sur l’image d’un oiseau qui déploie ses ailes, en route vers sa maison, et qui  rassemble ses forces avant de s’envoler. C’est comme cela que je l’ai imaginé. Mais quand les gens me demandent si je peux réellement abandonner notre église qui se trouve toujours à côté de la centrale nucléaire gravement endommagée, alors soudainement je me remets à demander pourquoi.

 

Nous revenons de tellement loin que nous devrions aller de l’avant sans maugréer. Bien sûr, c’est triste que notre église préférée soit fermée. Cependant, c’est merveilleux qu’une nouvelle église voie le jour, en résultat de la catastrophe. Encore combien de situations « tristes et heureuses » allons-nous devoir traverser ?

 

Lors d’une des réunions à Fukuoka, trois membres de l’église baptiste de Fukushima “Fukushima First Bible Baptist Church” se sont retrouvés. Un couple avait fait le voyage depuis Yamaguchi. Un autre avait fait un trajet de deux heures en voiture depuis Oita. Ils ont été éparpillés jusqu’ici. Cette réunion imprévue a apporté  joie et tristesse en même temps. J’ai l’impression que je dois toujours parcourir ce chemin de sentiments mélangés. Je pourrais être amené à vous demander de prier afin que je ne sois pas brisé le long du chemin.

 

Samedi 3 décembre 2011, sur le vol de Fukuoka à Haneda : rapport n°44

Je suis sur le chemin du retour depuis Fukuoka pour la quatrième fois. Je reviendrai à nouveau le mois prochain. Quand les gens me disent qu’ils me soutiennent ou qu’ils lisent mon blog, je suis très reconnaissant. Cela me fait réaliser que je suis au cœur d’un réseau  réconfortant et je me dis que je devrais faire de mon mieux. Cette vie inimaginable et hors de l’ordinaire que je suis en train de vivre a commencé le 11 mars. J’ai été capable de gérer mon emploi du temps bien rempli grâce aux prières de nombreuses personnes.

 

Ce chemin sur lequel nous avançons depuis le 11 mars ne sera plus un jour qu’un souvenir  mais je ne sais pas combien de temps cela  prendra avant qu’il en soit ainsi. Je regarderai alors en arrière, les jours que j’ai passés loin de la maison et me rappellerai les gens du centre de retraite et ceux des environs qui ont été vraiment bons avec nous.

 

Tout comme vient le moment où les bébés oiseaux quittent le nid, ainsi certains des membres de notre église sont partis pour être avec leur famille. D’autres ont déménagé pour vivre dans leur propre logement. Nous avons tous perdu nos maisons et sommes venus ici. Un jour, regarderons-nous en arrière et parlerons-nous du temps que nous avons passé ensemble au centre de retraite ?

 

Combien de temps ce voyage va-t-il encore durer ? Nous savons tous que cela finira par se terminer mais il y a des moments où nous nous sentons désespérés. Nous en sommes à la troisième scène d’au-revoir. J’espérais que nous pourrions retourner chez nous  une fois que nous partirions d’ici mais cela ne sera pas le cas.

 

Nous allons bientôt fêter Noël et la nouvelle année en tant qu’évacués. Nous ne pourrons pas accueillir nos enfants et petits-enfants dans notre maison puisque nous l’avons perdue. J’ai l’impression que c’est comme si nous avions également perdu ce temps de communion de qualité avec ma famille mais j’ai l’impression que je ne peux rien y faire.

 

L’autre jour j’ai vu quelqu’un marcher lentement avec son vieux chien. J’étais envieux de cet acte ordinaire et j’ai ressenti un sentiment de perte. Je me suis senti désolé pour mon cher papi qui vit loin de nous. Quand je vois des parents et leurs enfants faire du shopping, ou une mère préparer le dîner dans la cuisine, jardiner sous le soleil, je ressens le manque de ce genre de moments que j’avais quand j’étais à la maison. C’est peut-être parce que c’est le moment de l’année où nous regardons en arrière et réfléchissons sur ce qui s’est passé au cours de l’année. Je devrais faire attention à ne pas penser négativement.

 

Afin de me débarrasser de ces sentiments, je voudrais raconter certaines histoires. Un jour je parlerai à mes petits-enfants d’un événement mensuel qui avait lieu au centre de retraite. Des employés de la mairie sont venus alors que nous nous y attendions le moins pour désinfecter le centre contre les insectes. Je raconterai cette histoire en plaisantant. Apres  que cela se soit produit plusieurs fois, nous avons appris à fermer les fenêtres de nos chambres quand nous les voyions arriver. En tant que leader, je rentrais dans notre bâtiment et en quelques secondes, je grimpais jusqu’au troisième étage en fermant toutes les fenêtres. Je me sentais comme le héros d’un film en faisant cela. Je redescendais ensuite au rez-de-chaussée et souriais d’un air satisfait alors que personne ne me regardait. Cela pourrait paraître un peu effrayant pour mes petits-enfants alors peut-être que je garderai mes lèvres scellées. Je pourrais leur parler des cloches qui sonnent chaque jour pour annoncer les repas. C’est une bonne histoire !

 

Viendra-t-il vraiment un jour où je pourrais dire à mes petits-enfants et à leurs enfants que nous avons vécu dans une zone qui a été contaminée quand le grand tremblement de terre a eu lieu, que nous nous en sommes échappés et que nous avons voyagé et souffert et étions tristes chaque jour même si il y a eu des événements joyeux entre-temps – leur dire que c’était une expérience incroyable ?

 

A cette période de l’année, quand nous ne pouvons pas voir ce qui nous attend mon imagination débridée, s’envole vers des choses qui pourraient ou ne pourraient pas se produire. Cela m’apporte du repos et un sourire sur le visage. Mais je devrais continuer à avancer comme s’il ne s’était rien produit.

 

 

9 décembre 2011, sur le vol de Singapour à Narita : rapport n°45

 

5 décembre

Nous sommes lundi 5 décembre,  je survole Singapour et je me sens fiévreux. Je resterai à Singapour jusqu’au 9. Je dois me débarrasser de cette fièvre et m’attaquer à tout ce qui est prévu.

 

En revenant d’une fête de Noël à Fukuoka il y a deux jours, j’avais la gorge irritée et quand je suis revenu d’une autre fête de Noël à Saitama, mon nez ne s’arrêtait pas de couler. J’ai un paquet de mouchoirs avec moi pendant le vol. Je me suis bien porté depuis le 11 mars malgré mon emploi du temps très chargé. Mais maintenant à cause de la fatigue, j’ai attrapé un rhume par quelqu’un ou à cause du temps qui s’est refroidit soudainement, je ne suis pas sûr de la cause. J’espère que ça sera passé quand j’atterrirai à Singapour.

 

J’ai essayé de regarder un film mais je n’ai pas pu. J’ai arrêté de lire les journaux depuis le 11 mars et je regarde à peine la télévision désormais. J’ai l’impression que j’ai perdu ma capacité à regarder ou lire toute chose relative à l’actualité. Je n’aurais jamais imaginé cela avant le 11 mars. Que devrais-je faire à propos de cela ?

 

C’est peut-être parce que j’utilise toute mon énergie et qu’il ne m’en reste plus. Je n’ai plus la force de regarder un film. Oui, je continue d’avancer dans le processus de guérison et je peux construire un bâtiment pour la nouvelle église et un immeuble d’appartements pour les faibles et les plus âgés. Je pense que cela me prend toute mon énergie et ne laisse de place pour rien d’autre.

 

Tout comme un voyant s’allume quand je n’ai plus beaucoup d’essence dans la voiture, les survivants à la catastrophe doivent désormais vivre avec leur voyant allumé en permanence, indiquant qu’ils sont  « à vide » . Mais de toute façon, nous devons continuer d’avancer. Nous avançons à 120% tout en étant vides. Beaucoup de gens dans le monde nous soutiennent tout comme le fait Dieu Lui-même.

 

9 décembre

C’est mon quatrième jour à Singapour. 9h30, 9 décembre. J’ai fini de parler au centre japonais et je suis actuellement en route pour l’aéroport afin de prendre un vol de nuit pour rentrer au Japon. J’ai eu de la fièvre en venant ici et ça continue de monter. Quand je suis arrivé à Singapour, je suis directement allé me coucher et j’ai dormi jusqu’au matin. Quand je me suis réveillé, je me sentais mieux. J’avais eu peur de ne pas pouvoir me remettre, mais j’allais mieux. Je suis reconnaissant pour les si nombreuses prières et je peux sentir leur puissance. C’est assez inhabituel de récupérer aussi rapidement et de pouvoir ainsi faire tout ce que l’on attendait de moi.

 

Pendant mon séjour à Singapour j’ai reçu beaucoup de bénédictions. Beaucoup de singapouriens m’ont parlé durant des réunions et m’ont dit qu’ils lisaient mon journal. J’ai été touché qu’autant de personnes suivent ce qui nous arrive de l’étranger. J’ai entendu que Singapour a aidé le Japon d’une manière spéciale dans cette catastrophe et j’ai pu le découvrir moi-même au cours de ce voyage. Nous sommes si bien et tellement soutenus et aidés !

 

Cela m’humilie d’entendre les gens dire « vous avez bien survécu » ou « bien joué ». Je ne ressens pas ces choses-là mais je dois continuer sur ce chemin.

 

22 décembre 2011, venant de Hamamatsu et arrivant à Oguni dans la préfecture de Yamagata: rapport n°46

 

Je suis toujours bien occupé, voire même plus encore ces derniers jours car je réalise beaucoup d’interviews pour les médias. J’ai entendu qu’à certains endroits, les gens pensent que la catastrophe est finie. Je suis surpris. Rien n’est fini. Je ressens d’autant plus l’importance d’être présents dans les médias.

 

Immédiatement après la catastrophe, j’étais perdu et le temps continuait de tourner. Je me sentais impuissant. Mais Dieu m’a néanmoins fait arriver jusque-là. L’une des raisons grâce à laquelle je me sens soulagé quand je retourne à Fukushima est que là-bas, je sens que mes larmes et ma souffrance sont partagés, ce qui est en soit un réconfort.

 

Juste après la catastrophe, je ne pouvais pas dire où j’étais ni ce que je faisais. Je ne savais pas ce que j’allais faire ou dans quelle direction j’allais me diriger. Tout était dans le désordre et la confusion et je ne pouvais pas me rendre compte de ce qui était en train de se passer. Quand j’entendais des phrases du style « le réveil est là » ou « une opportunité pour l’évangélisation », cela me paraissait étrange, comme des échos venus d’un autre monde.

 

Comment était-ce dans ma tête à ce moment-là ? Tout était probablement sens dessus dessous ou du moins, confus. Mais mes sens étaient en alerte. J’essayais de sentir si la personne en face de moi allait faire une partie du chemin avec moi ou pas. Quand je sentais qu’ils essayaient de s’éloigner, mon cœur était lourd.

 

A ce moment-là, nous n’avions pas envie d’entendre des prédications ou des explications. Tout le monde était très tendu, poussé jusqu’à son extrême limite. Les petites choses nous déprimaient et nous tiraient les larmes alors que nous essayions de refouler nos émotions. La tristesse nous submergeait comme des vagues. Nous avions peur de quelque chose. Etait-ce notre cœur ou notre corps tout entier ? Avions-nous peur de notre futur, ou de notre passé qui était perdu, ou de notre présent ?

 

Alors que mon esprit s’attarde sur ces choses, cela me déprime. Je suis désolé. Je devrais regarder vers le futur en utilisant la souffrance comme un tremplin. Je devrais briller même si je suis en larmes. J’ai décidé d’opter pour cette formule. Mais pourquoi suis-je si triste ?

 

Dans deux jours ce sera la veillée de Noël. Notre Sauveur, qui est venu dans ce monde de ténèbres était un homme de chagrin qui connaissait l’infirmité. La Bible nous dit qu’il est venu pleurer avec ceux qui pleurent. Nous avons particulièrement ressenti cela cette année. Mon Sauveur qui est né dans une étable sans un endroit confortable où dormir semble très proche de nous qui avons perdu nos maisons, notre ville et notre église.

Quand les gens n’ont plus d’intérêt pour les victimes de la catastrophe, notre Emmanuel vient à nous. Notre Sauveur brille dans les ténèbres même maintenant.

 

Avons-nous parcouru tout ce chemin afin de faire une nouvelle rencontre avec notre Sauveur ? Donnons notre or, notre encens et notre myrrhe à ce Sauveur, qui est venu sur cette terre pour donner Sa vie pour nous, par amour pour nous. Donnons l’or à Celui qui est venu sur terre comme notre Roi. Donnons notre sacrifice d’encens à notre Dieu qui est venu sur cette terre. Donnons la myrrhe, qui est utilisée lors des enterrements, à notre Sauveur qui nous a donné Sa vie sur la croix.

 

Nous avons commencé notre voyage en tant qu’évacués sans savoir où nous allions. Nous pouvons  nous sentir juste tristes et déprimés. Mais dans ces moments-là, souvenons-nous de notre Seigneur qui a toujours été avec nous, et offrons-lui nos louanges pendant cette période spéciale qu’est Noël. Joyeux Noël !

 

La naissance du Fils unique de Dieu a été annoncée partout dans le monde. Les bergers et les rois mages ont prévenu tout le monde tout comme ceux qui ont assisté à la naissance de notre Seigneur. Je proclamerai donc Sa naissance en tant que pasteur évacué, parlant de la bonté dont Jésus a fait preuve envers nous.

 

Immédiatement après la catastrophe, j’ai été interviewé par des medias chrétiens. Mais désormais, la plupart des journalistes viennent de journaux, radios et télévisions laïques. A l’époque, je refusais leurs propositions car j’utilisais toute mon énergie juste pour survivre. Mais maintenant je ressens qu’il est de mon devoir de parler de notre situation.

 

Notre nation a été frappée par une catastrophe qui se produit seulement une fois tous les mille ans. Nous en sommes au centre et le monde nous regarde. Pendant plus de 2000 ans depuis le premier Noël, la precedente  catastrophe  avait été racontée partout dans le monde. Nous qui sommes au beau milieu de la nouvelle catastrophe, nous sentons que nous avons une tâche, qui est celle de le dire au monde entier.

 

Ma voix est entendue dans différents endroits du monde, portée par des trains et des avions, et mon écriture se répand à travers mes livres et internet. Je devrais utiliser chaque opportunité pour partager mon expérience.

 

C’est tout blanc dehors à cause de la neige. En venant à Oguni, dans la préfecture de Yamagata alors que j’étais précédemment à Hamamatsu, j’ai senti le froid. La neige dehors,  d’un blanc éclatant, me rappelle que c’est Noël. Je passe mon Noël de l’année de la catastrophe ainsi, regardant en arrière et méditant sur ce qui s’est passé.

 

Je suis reconnaissant pour vos prières et votre soutien.

 

Fin de l’année 2011 : rapport n°47

 

Comme je le craignais, après le service de Noël, j’ai commencé à avoir mal au dos et juste après le service de l’après-midi le jour même à Yokohama, je ne pouvais plus me tenir debout. Je suis reconnaissant, cependant, que mon dernier engagement de l’année, à parler de la catastrophe, se soit bien passé. Mon mal de dos aurait  pu commencer alors que je faisais des aller-retours en voiture de Tokyo jusqu’à Fukushima mais cela n’a pas été le cas. Je suis surpris du timing. Il y avait un docteur (un orthopédiste) dans l’église où j’étais en train de parler et il a pris soin de moi, ce pour quoi je suis aussi reconnaissant.

 

J’ai ressenti une tristesse inexprimable à ne pas pouvoir passer Noël à la maison avec ma famille. Ma femme et moi-même avons rendu visite à notre fille et avons ensuite fêté la nouvelle année dans une maison d’hôtes. C’est déprimant quand je pense que cela va continuer ainsi pendant deux ou trois ans. Combien de temps cette situation va-t-elle durer ? Mes enfants aussi ressentent un manque. Il ne leur est pas possible de rentrer à la maison et retrouver leurs camarades de classe et leurs amis comme ils le faisaient habituellement.

 

D’un autre côté, il y a des histoires de relations  restaurées grâce à la catastrophe. Comme celles des parents et des enfants qui s’étant aidés mutuellement après la catastrophe, ont vu  leurs relations s’améliorer. Certains maintenant vont à l’église dans la région où ils se sont installés après avoir fui Fukushima. J’ai entendu dire que plusieurs d’entre eux se sont fait baptiser.

 

Je me rappelle  l’histoire d’une gérante d’une auberge japonaise que j’ai vue à la télévision. Elle est descendue de la colline pour dire aux citadins de s’échapper. Le tsunami est arrivé, l’a submergée mais elle a été miraculeusement secourue. Ceux qui ont réagi à ses cris et se sont échappés, racontent en pleurs comment elle leur a sauvé la vie. Cela me rappelle Jésus qui est descendu dans ce monde pour nous sauver.

 

Une personne m’a dit que notre histoire relève vraiment du miraculeux. C’était vraiment dramatique. Et cela a commencé par la catastrophe soudaine du 11 mars de laquelle nous nous sommes échappés – le début d’un long voyage dont nous ne voyons pas encore la fin. Nous étions éparpillés mais nous avons survécu. Maintenant, nous sommes sur le point de commencer une nouvelle année, au cours de laquelle nous espérons voir le nouveau bâtiment pour notre église. Nous avons été mis sur le devant de la scène et je me demande qui a écrit le scénario. Nous avons eu peur et avons été incertains à chaque tournant. Une chose est sûre, c’est que cette année est celle qui nous a le plus secoués. A cette période de l’année, l’an dernier, qui aurait pu imaginer que ce serait comme ça !

 

Nous vivons une fin d’année extraordinaire. Mon chien Papi sera avec moi pour le nouvel an et c’est une bonne chose. Il a 13 ans et est tout menu. Je le prendrai dans mes bras et je passerai de bons moments avec lui.

 

Au début de l’année 2012

A l’inverse de mes sentiments habituels à ce moment de l’année, j’ai très peu de forces pour commencer la nouvelle année. Quand je me tiens en face d’un miroir, j’aperçois de plus en plus de cheveux gris.

 

Pour le culte de la nouvelle année, j’allais parler de l’aigle qui prend son envol majestueusement. Je ne sais plus exactement comment cela s’est passé mais une image de mon ancienne église à Fukushima, celle que nous avions fait construire seulement 3 ans auparavant, m’est venue à l’esprit pendant que je prêchais. J’ai perdu tout contrôle et ai explosé en sanglots. J’allais dire que nous devions arrêter de regarder en arrière et que nous devions nous encourager à aller de l’avant. Mais alors que je parlais, je ne pouvais pas m’empêcher d’être rattrapé par le passé. Quel commencement pour la nouvelle année !

 

Cet incident m’a fait prendre conscience du dangereux champ de mines que sont les larmes dans lequel je m’aventure parfois par mégarde. Je ne suis pas sûr de combien de blessures non cicatrisées et de tristesse douloureuse il y a encore en moi, et ça me rend anxieux.

Je me dirai a moi-même de ne plus me rappeler que, dans notre ancienne église, je descendais dans le sanctuaire directement de mon logement.

 

Priez s’il vous plait qu’après que nous ayons mis le cap vers la nouvelle année, je ne plonge pas dans une mer de larmes mais que je sois capable de marcher fermement jusqu’à la fin. D’une certaine manière, je m’attends à une importante secousse au cours de cette nouvelle année.

 

26 janvier 2012: rapport n°48

 

J’ai voyagé d’Oita jusqu’à Fukuoka. Bien qu’étant surpris d’y trouver de la neige, les gens m’ont accueilli chaleureusement et je leur en suis reconnaissant. Je partirai après-demain pour Hokkaido.

 

Mon deuxième livre, la suite de “Wandering Church” (Une Eglise Itinérante), sera publié en mars, juste à temps pour commémorer le premier anniversaire de la catastrophe du 11 mars.

 

Vous trouverez ci-dessous ce que j’ai écrit dans la préface. J’espère que cela sera lu par beaucoup de monde.

 

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Très prochainement, cela fera un an que la catastrophe du 11 mars aura eu lieu. La souffrance provenant des blessures provoquées par la catastrophe ne va pas en s’améliorant. En réalité, elle semble de plus en plus profonde. Nous ne trouvons pas de solutions à nos problèmes mais une nouvelle année a commencé et le Seigneur nous a gardés. Je vois cette publication comme une étape importante et un encouragement.

 

Quand “Wandering Church” (Une Eglise Itinérante) a été publié deux mois après la catastrophe, cela nous a fortifié d’apprendre que de nombreuses personnes avaient acheté le livre et l’avaient lu. Nous nous sentions seuls et terriblement secoués par la catastrophe, mais des projets comme celui-ci nous ont permis d’avancer et nous ont fortifiés.

 

Une crainte profonde, le chagrin, l’anxiété et l’obscurité nous ont submergés et nous avions l’impression que nous pouvions disparaître, engloutis par un tourbillon, sans que personne ne s’en rende compte. Quel énorme encouragement que de découvrir que tellement de gens s’intéressaient à nous et nous regardaient. Dans une situation qui nous a poussés jusqu’à nos limites, ces regards chaleureux nous ont aidés à avancer et à continuer.

 

Le produit des ventes de “Wandering Church” (Une Eglise Itinérante) a été utilisé pour aider les réfugiés d’Iwate, de Miyagi et de  Fukushima. Les gentilles pensées des lecteurs se sont développées en un réseau de soutien. Ce deuxième livre explique comment nous avons continué au cours de ce voyage et comment nous avons été aidés. Dans le chapitre 1, vous pouvez lire mon journal. Le chapitre 2 rassemble des témoignages de ceux qui nous ont aidés quand nous avons été évacués et des textes de mon pasteur assistant et des membres de l’église. Les chapitres 3 et 4 rapportent ce que j’ai dit lors de réunions à divers endroits ainsi que des propos quant à nos projets pour le futur.

 

J’entends dire qu’on ne parle plus beaucoup de la catastrophe de nos jours. J’espère que beaucoup de personnes auront un intérêt pour ce livre et le liront. Cela serait un formidable encouragement pour nous.

 

 

 

 

29 janvier 2012, sur le vol de Fukuoka vers Sapporo : rapport n°49

 

Suite à mon dernier rapport, j’aimerais continuer à partager ce que j’ai écrit pour le second livre « Wandering Church » (Une Eglise Itinérante).

 

Une hôtesse de l’air a annoncé qu’il fait -11°C à Sapporo. Je dois me préparer à affronter le froid. Le temps froid me rappelle le contraste que je ressens entre cela et la chaleur des gens que j’ai rencontrés dans le Kyushu. Je suis reconnaissant de pouvoir faire ces rencontres. Auparavant, je m’étais déjà rendu dans différents endroits du Japon où je m’étais engagé à parler mais jamais je n’avais rencontré autant de personnes et en aussi peu de temps.

 

L’une de mes inquiétudes est de saluer des personnes comme si c’était la première fois que je les rencontrais alors qu’en réalité je les ai déjà rencontrées par le passé. Une autre de mes craintes est d’effectuer des réservations en doublon. Heureusement, je suis gardé de cela.

 

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Nouveau commencement

Pendant la nuit, trois jours après la catastrophe du 11 mars, ma femme et moi-même avons rassemblé de l’essence, des couvertures et de la nourriture et nous nous sommes rendus de Chiba à Fukushima dans un camion ,avec le cœur vraiment lourd. Je n’étais pas sûr de ce qui nous attendait à Fukushima. Tout a commencé avec ce voyage.

 

Une année s’est pratiquement écoulée, et nous sommes sur le point de nous mettre en route à nouveau. Nous sommes passés par une série de décisions difficiles et d’avancées vers la prochaine étape. Nous avons traversé une montagne dans le brouillard, un convoi de 16 voitures voyageant ensemble de Fukushima à Yamagata. Deux semaines plus tard, 60 d’entre nous mettions le cap vers la région plus chaude du Kanto. Je me demande si c’était le début d’un nouveau départ qui au fur et à mesure de l’année a résulté en la construction d’une nouvelle église et d’un immeuble d’appartements pour les plus âgés.

 

L’année dernière, notre église envisageait de mettre en place un service d’aide journalière pour les plus âgés. Cela fait longtemps que nous souhaitions prendre soin d’eux et nous avons été amenés à prendre cette décision. Maintenant, nous allons rencontrer nos frères et sœurs à Fukushima et commencer à construire une nouvelle communauté.

 

Le dimanche 25 juin, nous nous sommes demandés où nous devrions aller 8 mois plus tard quand nous aurions à déménager du centre de retraite à Okutama. Il y avait certaines personnes qui attendaient à Fukushima donc nous avons décidé de retourner là-bas. Notre ville est toujours dans la zone d’accès interdit donc ma femme et moi avons commencé à chercher un nouvel endroit à 60 kilomètres au sud. Mais nous n’avons rien pu trouver.

 

Cependant, un mois plus tard, le projet de construction a commencé. Ce fut un changement de situation inattendu. En mars, un bel immeuble sera terminé et en août, deux cents mètres plus loin, notre nouvelle église sera construite. Les plans de cette église représentent un oiseau qui étend ses ailes, représentant la prière et la résurrection. Une croix fait face à notre ville.

 

Les membres de notre église ont été réduits à un quart de ce qu’ils ont été jadis. 150-160 membres sont maintenant éparpillés dans tout le Japon mais unis par la prière. Il y aura des logements pour eux pour qu’ils puissent revenir n’importe quand. Que cette église avec ses ailes puisse apporter l’espoir à chacun d’entre nous qui vivons toujours comme évacués, et être un symbole de guérison et de restauration comme un aigle se dresse dans le ciel.

 

Je suis reconnaissant envers beaucoup de gens à l’intérieur et à l’extérieur du Japon pour leur soutien jusqu’ici. Ayant été encouragés par toutes ces prières, nous devrons à notre tour prier dans notre nouvelle église. Je désire que nous devenions une église qui serve les autres en réponse à toutes les merveilleuses bénédictions qui ont été déversées sur nous.

 

30 janvier 2012, en train de survoler Sapporo couvert de neige : rapport n°50

 

La diaspora et le « Restant »

Après m’être rendu à Oita et Fukuoka, j’ai pris l’avion jusqu’à Sapporo, je suis allé à Otaru, et maintenant je suis de retour à Haneda. Même s’il faisait froid dans le Kyushu, ce n’était pas comparable à la neige d’ Hokkaido. Le planning pour le nouveau bâtiment pour l’église et l’immeuble, et la préparation pour notre déménagement continuent. A Tokyo, des personnes travaillant pour une chaîne de télévision allemande m’attendront pour réaliser des interviews pendant trois jours.

 

Le temps nous fait avancer. Tout ce que nous pouvons faire, c’est agir  de notre mieux dans le temps et l’espace qui nous sont alloués. On dirait que moins de gens que nous l’avions initialement pensé, vont retourner à Fukushima . Ils me manquent mais chaque personne doit prendre ses propres décisions. Ceux qui ont du travail à Tokyo resteront ici. D’autres rejoindront leur famille et proches qui habitent dans d’autres endroits.

 

Cela fait 10 mois que la catastrophe a eu lieu. Nous avons tous eu à prendre décision sur décision à un rythme rapide. Il est compréhensible que certaines personnes soient fatiguées et que les décisions qui les aidaient à aller de l’avant au début aient changées.

 

Après une année entière ceux qui ont été éparpillés ont pris racine là où ils se sont retrouvés, allant dans des églises à proximité. Dans l’Ancien Testament, après 70 ans d’exil, certains des gens de Dieu sont rentrés chez eux, d’autres sont restés et d’autres se sont rendus dans une tout autre destination.

 

Les personnes de la diaspora: ceux qui ont été éparpillés par la catastrophe et «  Le Restant » : ceux qui ont été abandonnés, laissés derrière.

 

Alors qu’ils avançaient vers la prochaine étape de leur voyage, je suppose qu’ils étaient divisés en petits groupes. Notre vie maintenant ressemble à la leur. Je me demande combien de temps cela durera.

 

M. Ockert, le missionnaire allemand qui dirige le centre de retraite, a écrit des mots tres gentils pour le deuxième livre “Wandering Church” (Une Eglise Itinérante). Je suis vraiment reconnaissant.


Lundi 6 février 2012 : rapport n°51

 

Je suis à bord d’un vol à destination de Hawaii. Je m’envolerai pour Seattle à partir d’Honolulu et reviendrai le 24.C’est un long voyage de 18 jours. Avant de partir, je suis allé à la mairie d’Okutama pour faire mes adieux et presenter mes remerciements pour l’année passée.

 

Comme d’habitude, j’ai fait ma valise dans l’urgence et suis arrivé juste à temps pour attraper mon vol. J’ai bien peur de ne jamais pouvoir changer cette habitude. Je suis allé à la mairie, ai fait ma valise pour le voyage en 30 minutes, et me suis ensuite rendu à l’aéroport. J’ai bêtement utilisé mon GPS et j’étais très inquiet quand je me suis retrouvé dans les rues embouteillées de Tokyo. Puis le voyant indiquant que le niveau d’essence était bas s’est allumé. J’ai rapidement fait une demande d’assurance voyage sur mon PC quand j’étais dans le hall de l’aéroport.

 

Après le culte de dimanche, j’ai effectué une dernière vérification de l’ébauche de mon livre : The Wandering Church (Une Eglise Itinérante).

 

6 février, 7h30, au-dessus de Honolulu

 

Grâce à vos prières, mon vol n’a pas été perturbé. J’ai dormi à peu près 3 heures et j’ai pu utiliser 3 sièges. Il est 2 heures du matin au Japon. La plupart des passagers sont des surfeurs et ils ont parlé de tourisme ,de où manger et faire du shopping. C’est un peu bizarre d’aller à Hawaii tout seul comme cela mais je devrais en profiter. Le lever de soleil que j’ai vu de l’avion était très beau. Je pense au chemin que beaucoup de gens ont du parcourir depuis le 11 mars 2011. Chacun fait de son mieux y compris ceux d’entre nous qui sommes à Tokyo. J’aimerais envoyer des paroles d’encouragements à tous, spécialement à mon pasteur assistant et sa famille, ainsi qu’à ma femme et à mon chien Papi qui a perdu du poids et vit loin de nous.

 

Je veux dire “Bravo” à nous tous. Cela nous a coûté mais nous avons survécu. Toutefois la vie nous est donnée afin que nous vivions tous pour un but. Jésus nous a dit qu’un grain de blé doit mourir pour pouvoir porter du fruit. Après avoir tout perdu, nous en sommes arrivés là à travers les épreuves et avec des cœurs brisés, nous soutenant les uns les autres et surmontant les conflits le long du chemin. Nous n’avons pas abandonné.

 

“Le soir arrivent les pleurs, et le matin l’allégresse”. (Psaume 30 :5) Puissions-nous expérimenter cette réalité dans notre marche.

 

Jeudi 14 février. 23h30 (à bord du vol d’Honolulu pour Seattle)

 

J’étais été surclassé à l’embarquement – un siège spacieux et un verre d’accueil. Il y a 2 jours, une personne qui était venue à la réunion m’a donné un cadeau et m’a dit qu’elle travaillait pour une compagnie aérienne. Cela doit être elle qui m’a donné cela et qui m’a permis d’avoir droit à plus de bagages. Toutes les personnes que j’ai rencontrées pour la première fois lors de ce voyage à Hawaii se sont montrées tres gentilles avec moi.

 

Aujourd’hui une personne m’a emmené à la plage Lanikai, ce qui signifie “la mer du paradis”. On aurait dit une utopie et elle était belle au point d’avoir ete elue la plus belle plage des Etats-Unis. J’ai vu un chien marcher sur la plage avec son maître et me suis demandé si un tel jour viendrait pour moi. J’aimerais pouvoir savourer les moments comme cela un peu plus longtemps et je me suis senti mal vis-à-vis de mes bien-aimés au Japon.

 

Un grand merci à tous ceux qui se sont montrés bons envers moi à Hawaii.

 

 

 

 

Vendredi 17 février

 

Il est minuit à Seattle et il fait très froid, surtout venant de Hawaii. J’ai l’impression d’avoir oublié mon pull à col roulé d’hiver. La plupart des affaires que j’ai emportées ne m’ont pas servi à Hawaii. J’ai acheté une veste dans un magasin de recyclage à Honolulu. Peut-être parce que j’ai vécu avec des vêtements d’occasion envoyes par les secours, j’ai appris à les apprécier.

 

J’ai été bien occupé avec le travail pour mon livre  The Wandering Church (Une Eglise Itinérante) qui doit être publiée le 11 mars 2012, en commémoration du premier anniversaire de la catastrophe. Il sera publié en Corée également. J’inclus ici la préface que j’ai écrite pour la version coréenne. S’il-vous passez le mot à ceux que vous connaissez.

 

Préface de la version coréenne de The Wandering Church (Une Eglise Itinérante)

 

Il y aura bientôt un an que cet énorme tremblement de terre et ce tsunami ont frappé le Japon et surpris le monde. Le tremblement de terre, qui était à une échelle qui ne se produit qu’une fois tous les mille ans, a défoncé beaucoup de routes, a causé des glissements de terrain et écrasé des maisons. Puis les vagues de 15 mètres de haut du tsunami ont balayé les côtes nord est du Japon. Ont suivi des explosions à la centrale nucléaire. Notre église a été projetée au milieu de tout cela puisque le bâtiment se situe à seulement 5km de la centrale nucléaire de Fukushima.

 

Dans la nuit, 70 000 riverains ont dû évacuer alors qu’on entendait les sirènes dans toute la zone. Des familles ont ete  éparpillées et notre église  fermée. C’était comme si nous étions dans un film de science-fiction alors que nous essayions tous désespérément de nous échapper. L’histoire de ce livre est un compte-rendu de ce qui nous est vraiment arrivé, bien que cela semble invraisemblable.

 

A notre surprise, notre église n’est pas morte. Soixante ou soixante-dix membres de l’église ont roulé pendant plusieurs centaines de kilomètres dans 15 voitures, un car et un camion, traversant une montagne dans le blizzard. Nous avons pu avoir de la nourriture et l’avons partagée les uns avec les autres. Même si nous avons perdu le bâtiment de notre église et que nous nous sommes retrouvés sans vêtements de rechange, ou argent, nous avons continué notre voyage dans la prière et les larmes, nos yeux tournés vers le ciel. Quatre membres de l’église sont décédés des suites de la catastrophe. En mars 2012, neuf membres se sont joints à nous en prenant le baptême. Nous avons marché sur ce long chemin jour après jour ne sachant pas si nous étions tristes ou heureux. Je n’aurais jamais pu imaginer que des jours comme ceux-ci allaient se présenter à nous.

 

Nous avons vécu des expériences étranges et merveilleuses. J’en suis venu à me sentir très proche de Moïse alors qu’il passait par l’Exode, et des croyants de la première église qui voyageaient, partageant leurs ressources à cause de la persécution.

 

Le 11 mars c’était mon anniversaire. Ma femme et moi assistions à une remise de diplômes a la fin d’un séminaire. Nous avions décidé de louer un car et nous nous sommes rendus à Fukushima. Nous avions planifié d’emmener 17 membres de notre église y compris les plus âgés, les malades et les bébés, qui étaient dans un centre de secours dans la montagne. Nous sommes partis pour Fukushima où de la fumée continuait de sortir de la centrale nucleaire à cause de l’explosion. Nous avions peur de ne pas pouvoir sortir vivants de là. C’était le début de notre chemin de survie.

 

J’espère que les lecteurs de cette version coréenne seront capables d’entendre les voix de vrais témoins de la catastrophe qui n’ont pas été retransmises par les medias, l’histoire de comment Dieu nous a guidés avec clémence dans cet invraisemblable Exode qui se poursuit aujourd’hui.

 

Cinquante d’entre nous vivons dans un centre de retraite chrétien tenu par un des missionnaires allemands auxquels ce centre appartient et 150 autres membres sont éparpillés dans tout le Japon tout comme les croyants de la Diaspora de la première église. Notre église a survécu même si nous avons été privés de notre bâtiment, de son organisation et de ses activités.

 

Ce prochain mois de mars, nous prenons un nouveau départ avec la construction d’ un immeuble pour les membres les plus âgés de notre église. Le bâtiment de notre église qui a été construit il y a seulement trois ans a été fermé à cause des effets de la radiation, tout comme nos quatre autres chapelles.C’est pourquoi  nous avons besoin d’un nouveau bâtiment pour l’église, le cinquième depuis le commencement de notre église. La construction de ce batiment, à 60 km au sud de la zone d’accès restreint, s’achevera en septembre..

 

Je me rends compte de la force de l’église, survivant non seulement à la persécution mais aussi au tremblement de terre. Elle se lève à nouveau alors qu’elle a été maltraitée et éparpillée.

 

C’est une grande joie pour moi que ce témoignage de notre survie au tremblement de terre, au tsunami, et à l’explosion nucléaire soit publié en Corée. Cela me fortifie de savoir que nous avons été regardé de l’étranger et que nous ne sommes pas seuls ni abandonnés. Ce livre est le compte-rendu de comment une église située dans une zone rurale du Japon a fait face à une catastrophe soudaine, comment elle a été mise à terre, éparpillée et réduite en poussière, et comment elle a regardé à Dieu, a commencé à marcher à nouveau et a expérimenté le travail de Dieu en elle. Les lecteurs peuvent lire cette histoire au travers du journal du pasteur, des témoignages de membres de l’église qui ont échappé à la catastrophe, et des projets pour l’avenir.

 

Que notre Seigneur touche les coeurs de tous nos frères et soeurs coréens qui auront ce livre entre les mains.

 

Finalement, j’aimerais remercier tous ceux en Corée qui nous ont  portés et soutenus par la prière. Nous avons perdu beaucoup de choses mais nous devons nous considérer bénis d’avoir été aidés par la gentillesse de tellement de gens dans le monde.

 

Mardi 14 février, Seattle, Etats-Unis

 

23 février 2012: plus dramatique que tous les autres drames : rapport n°52

 

Je suis à bord d’un vol partant de Seattle et me ramenant chez moi. C’était un voyage de 18 jours. La dernière réunion avait lieu hier à Portland. Le missionnaire qui m’a raccompagné à l’aéroport m’a pris dans ses bras à ma surprise et j’ai eu les larmes aux yeux. Quelque chose en moi à répondu à cette étreinte inattendue. Diverses émotions qui avaient été supprimées depuis la catastrophe ont pu refaire surface qu’elles soient de la tristesse, du regret, de la peine ou de l’angoisse. Il y a des temps où des émotions incontrôlables me frappent et je devrais y faire attention.

 

Vais-je me retrouver en train de perdre le contrôle sur mes émotions ? Cela ne peut pas durer éternellement mais je devrais y être préparé et savoir comment y faire face ou comment l’éviter.

 

A Seattle, j’ai entendu l’histoire d’une jeune femme dont l’adresse au Japon est similaire à la mienne. Elle est rentrée au Japon juste avant que j’arrive à Seattle. On m’a dit qu’elle était en larmes chaque fois que l’on mentionnait la catastrophe. Je me suis demandé où elle retournait puisque nos villes respectives se situent dans la zone d’accès restreint. Mon cœur fait écho au sien.

 

Comment font les gens pour continuer à avancer dans la vie après avoir perdu des êtres chers et en ressentant une douleur que personne d’autre n’a l’air de comprendre ? Comment font-ils pour continuer à avancer, en faisant face à leur douleur et leur tristesse ? Même si le douloureux paysage ne peut pas revenir à ce qu’il était avant, j’aimerais que nous jouions la belle musique que seulement ceux d’entre nous qui ont expérimenté la douleur, peuvent chanter.

 

Je pense à la chanson qu’à peu près tout le Japon chante à cette période de l’année. Ma femme dit qu’elle n’a pas été capable de chanter depuis le 11 mars. Cela s’appelle Furusato (ma ville natale), et a été écrit par Tatsuhiro Takano, un chrétien né en 1914 et professeur de littérature japonaise à l’université de Tokyo. On dit qu’il a écrit cette chanson à propos d’un pèlerin qui marchait sur terre visant les cieux. Dans Furusato, il dépeint la scène de la ville natale d’une personne. Dans le troisième couplet il écrit « nous rentrons tous à la maison, accomplissant ce pour quoi nous sommes venus sur cette terre ». Teiichi Okano a composé la musique, il était un chrétien et professeur assistant à l’université d’arts de Tokyo et a dirigé la chorale à l’église Hongo Central pendant 40 ans. J’aimerais chanter tous les couplets avec l’espoir sincère de rentrer à ma ville natale à Fukushima.

 

Je suis à Seattle, dont l’équipe de baseball sont les Mariners et dont Ichiro est un des joueurs. J’ai lu dans le journal local qu’il joue très bien et sera le troisième meilleur joueur cette année. Même si Ichiro n’est pas aussi bon que les joueurs américains il joue toujours de son mieux. Je devrais suivre son exemple, toujours relever les défis, donnant tout ce que j’ai, et traversant les frontières nationales.

 

25 février, de retour au centre de retraite à Tokyo

 

Grâce à vos prières je suis arrivé sans problème à la maison. Peu de temps après mon arrivée, je suis allé rendre visite à une sœur à l’hôpital. Elle m’a demandé en larmes, « Pourquoi nos chemins doivent-ils se séparer si rapidement ? ». Cela m’a fait un choc .

 

Le mois prochain nous devrons dire au revoir. Après être arrivé à l’aéroport de Narita, j’ai tapé « maison » dans mon GPS. Ma maison est située dans la zone d’accès restreint. Avais-je inconsciemment tellement envie d’aller là-bas ou était-ce simplement un réflexe automatique ? Je me suis senti misérable quand j’ai réalisé mon erreur  et que  j’ai du faire demi-tour. J’ai conduit jusqu’au centre de retraite à Tokyo imaginant tout le long de la route comment c’était dans ma ville natale.

 

Les résidents de l’île Miyake ont été évacués pendant longtemps a cause de l’ eruption d’un volcan, ne pouvant pas rentrer chez eux. Comment se sont-ils occupés d’eux-mêmes ? J’aimerais apprendre d’eux comment ils ont survécus à leurs jours prolongés d’évacués.

 

Nous vivions dans une ville ensemble avec nos voisins et ne pensions jamais que cela changerait. Pourquoi devrions-nous être éparpillés comment cela et devrions-nous continuer à vivre cette vie anormale ? Quelqu’un a marmonné que cela avait été une année invraisemblable. Certainement nos vies ont été plus dramatiques que tous les autres drames.

 

Alors que nous quittons ce centre de retraite où il n’y a presque pas d’intimité, je voudrais faire une sorte de cérémonie de remise de diplômes. Aussi bien les adultes que les enfants se sont bien adaptés ici. D’autres membres de l’église se sont bien débrouillés, éparpillés dans différentes parties du Japon. Jusqu’à présent d’autres ont prié et attendu que notre église soit ressuscitée après avoir disparu si soudainement.

 

5 mars, au-dessus de Taiwan

 

Je serai à Taiwan au cours des quatre prochains jours.

 

Je m’excuse de n’avoir pas ete capable de mettre mon blog à jour jusqu’à maintenant.